Ashleay : Bonjour et bienvenue au balado À vos intérêts!. Mon nom est Ashleay et, aujourd'hui, on se retrouve pour la deuxième partie de notre balado Regards sur 2024 en compagnie de notre invité Marc Gagnon, gestionnaire de portefeuilles, et bien sûr de mon collègue Sébastien Mc Mahon, stratège en chef. On continue de parler de prévisions pour l'année 2024 en matière d'actions, d'obligations et du marché financier en général. Alors, bonjour vous deux.
Sébastien : Salut Ashleay. Salut Marc.
Marc : Bonjour Ashleay. Bonjour Sébastien.
Ashleay : Alors, si on continue notre discussion de la semaine dernière, comment est-ce que les marchés devraient se comporter à travers tout ce dont on discutait?
Sébastien : Il y a plusieurs écoles de pensée. Il y a plusieurs études qui ont été faites. Je vous dirais que chaque marché est assez différent dans le temps. Ça dépend toujours de la conjoncture économique. Mais il y a une étude que l’on a regardée et qui couvre au-dessus de 100 ans. Puis ce qu'on voit, c'est que les marchés boursiers ont tendance à connaître un creux après que la Réserve fédérale américaine a commencé à couper son taux directeur. Donc, ça, ça ne veut pas dire que, nécessairement, les marchés vont reculer. Ça ne veut pas dire ça du tout, mais ça veut quand même dire qu'il faut rester prudents. Il ne faut pas être complaisants. Ce n'est pas parce que la Réserve fédérale décide de commencer à baisser son taux directeur que nécessairement les marchés vont aller vers le haut.
Marc : Effectivement, il va falloir que ce soit supporté par une inflation qui donne vraiment des signes. On en parlait lors de notre dernière discussion ensemble; une inflation qui donne des signes durables de baisse. Puis je pense que le mot « durable » est important parce que c'est la grosse préoccupation de la Réserve fédérale cette fois-ci. On ne veut pas faire comme dans les années 70, quand on a baissé les taux trop vite. On s'est alors retrouvé avec une inflation qui a été très difficile à vaincre. Ça a pris des taux faramineux du début des années 80. Mes parents se sont retrouvés à payer du 18, puis du 19, puis du 20 % de taux sur les hypothèques.
Sébastien : Pas sur une carte de crédit; sur l'hypothèque.
Marc : C'est ça. Exactement.
Ashleay : Puis est-ce que vous auriez chacun des prévisions courageuses à faire, des éléments peu probables, mais qui pourraient quand même peut-être marquer l'année?
Sébastien : Je vais être galant, je vais y aller en premier, je vais me mouiller en premier. Ce que je dirais, c'est que, en 2024, je pense que c'est raisonnable de s'attendre à des rendements qui vont être somme toute positifs, autant du côté des actions que du côté des obligations. Il n'y a rien de courageux encore là, mais peut-être que cette année, les chances sont assez élevées pour qu'on ait de meilleurs rendements, je pense, du côté du marché obligataire que du côté du marché boursier. Puis, si je regarde surtout du côté du S&P 500, même si les évaluations peuvent être raisonnables pour les titres technologiques, dans le moment, la performance a été tellement forte en 2023 qu'une rotation vers d'autres régions du monde où les marchés sont moins chers, ça pourrait nous amener à avoir un S&P 500 qui sous-performe d'autres classes d'actifs dans le monde. Je vous dirais que la Bourse canadienne pourrait bien faire, pourrait mieux faire que la Bourse américaine. Mais dans tout ça, si on s'en va dans un monde où les taux d'intérêt sont à la baisse, si on a une économie qui a de la difficulté quand même à se relever de toutes ces hausses de taux là, on pourrait facilement se retrouver avec des taux d'intérêt qui, tout le long de la courbe, même les taux de long terme, baissent à un certain niveau. Puis, on pourrait avoir une surperformance du côté du marché obligataire en 2024 versus le S&P 500, qui a bien sûr gagné la couronne en 2023.
Marc : Eh bien, c'est intéressant Sébastien parce qu'on va diverger sur ce point-là, ça va mettre un peu de piquant. Alors, si jamais on s'en reparle dans un an, si je suis réinvité, on pourra déclarer peut-être pas un grand vainqueur, mais un petit vainqueur.
Sébastien : C'est peut-être moi qui ne serai pas réinvité.
Marc : Mais en fait, je vais être beaucoup plus délicat en disant que je crois que tu vas avoir raison jusqu'à un certain moment dans l'année. Je crois qu'en début d'année, les obligations vont mieux faire que les actions, mais à partir du moment, et je crois que ça va quand même arriver en 2024, dépendant des marchés, il va y avoir des coupures de taux, et à partir de là, je crois que le marché boursier va commencer à bien faire. Ce qui fait que je crois que le marché boursier dans la deuxième partie de l'année, au final, va coiffer le marché obligataire. On verra. C'est peut-être la plus intéressante de nos prédictions parce qu'elles ne sont pas exactement au même endroit. Mais je vais vous en donner d'autres, Ashleay, comme ça, au moins j’aurai la chance d'en avoir une de bonne. Je crois que les fameux magnificent seven, qui ont aidé le marché boursier à si bien faire en 2023, bien, beaucoup de gens pensent qu'ils vont avoir beaucoup beaucoup de difficultés en 2024, et que ça va être tiré vers le bas, le marché boursier américain. Je crois qu'ils vont faire à peu près en ligne avec le marché. Je crois qu'il va y avoir des gagnants, qu’il va y avoir des perdants. Ça vous prend un gestionnaire actif pour vous aider à vous démêler là- dedans. Mais je pense qu'au total, ça ne sera pas un effondrement. Alors, ils vont faire à peu près en ligne avec le marché. Ce qui m'amène à dire que, d'après moi, le marché US et le marché canadien vont connaître deux bonnes années. Il y a des possibilités que cette prédiction-là trébuche quelque part et qu’elle se ramasse dans le caniveau, mais je suis assez positif pour les rendements de 2024, personnellement.
Sébastien : Puis, ce qui est important, tu sais, comme investisseur, c'est d'essayer de bien anticiper la trajectoire en cours d'année. Du 31 décembre au 31 décembre, c'est un peu arbitraire, mais en cours d'année, il faut s'attendre à de la volatilité. Mais je pense que je vais te copier et je vais faire une deuxième prévision pour, moi aussi, avoir plus de chances d'en avoir au moins une de bonne. Si on a un ralentissement économique qui se traduit en récession en 2024, ça veut dire que quand cette récession-là va être finie, on va avoir un nouveau cycle économique qui va commencer. Et, généralement, quand ça arrive, le dollar canadien est une des devises qui performe le mieux en début de cycle. Donc, je m'attendrais à ce qu'en 2024, on reprenne le hotofinish à la fin de l'année : le dollar canadien pourrait être relativement plus haut que les niveaux actuels. On avait entre 73, 74 sous. On pourrait être à 78 sous, quelque chose du genre. Peut-être 80 sous à la fin de l'année prochaine si on est chanceux. Donc, ça pourrait avoir un impact assez important sur le portefeuille des investisseurs.
Marc : Tu sais que c'est une prédiction qui me fait chaud au cœur, Sébastien? Parce que je suis principalement un gestionnaire d'actions canadiennes. Puis, si le dollar canadien va bien, ça veut dire généralement que les ressources vont bien aller et ça veut dire que le Canada va bien aller, puis ça va quand même dans le sens où je pense qu'effectivement, quelque part, quand on va entrevoir la reprise économique qui, je crois, pourrait être synchronisée, on parle de l'Europe, la Chine et les États-Unis, bien quelque part, même si on la prévoit quelque part en 2025, si on a assez de conviction qu'elle s'en vient, on pourrait voir déjà les titres cycliques canadiens rebondir en 2024. Et ça, pour un marché comme celui que je gère principalement, c'est une excellente nouvelle.
Ashleay : Puis, si on devait prédire ce qui allait se passer en début d'année pour que vous retourniez à la planche à dessin sur vos prévisions, ce serait quoi?
Sébastien : La question est toujours de voir sur quelles hypothèses est-ce que tout votre scénario, les histoires que vous venez de raconter, là, tient. Je vous dirais que si on a en début d'année une détérioration rapide des marchés du travail nord-américains, si tout d'un coup ‒ souvent ça surprend à une récession, le couperet peut arriver assez rapidement ‒ on voit que le marché du travail américain, que la création d'emplois, s'effondre et que tout d'un coup on tombe dans un scénario de récession, là, je pense qu'il va falloir retourner à la table à dessin. Les banques centrales vont couper beaucoup plus rapidement et beaucoup plus massivement qu'on peut le penser aussi. Quand on dit que les banques centrales vont normaliser progressivement, ça, c'est dans un scénario où on atterrit, puis que ça ne fait pas trop mal. Si on se rend compte que l'atterrissage n’est pas en douceur, mais qu’il est très turbulent, on va avoir des coupures plus fortes, les marchés boursiers deviendront très volatils. Puis là, c'est assez clair. Je pense que dans la première moitié de l'année 2024, la couronne de champion irait vraiment au marché obligataire.
Marc : Oui, ça va faire en tout cas une année qui va être plus enlevée, comme on dit. Ça va donner une baisse, probablement, du marché boursier plus prononcée, une remontée éventuellement plus prononcée. Quand? Ça reste à voir, et l'inverse du côté obligataire. Mais on va avoir un découplement probablement dans les deux marchés. Puis ça, ça fait longtemps qu’on a des marchés qui sont dans le négatif, à tout le moins le marché obligataire, depuis un certain temps. Puis là, je pense que quant aux perspectives pour le marché obligataire, au total, on va avoir un actif qui est moins risqué, moins risqué comme il est supposé l'être. Ça, ça va être intéressant. Moi, ce qui peut m'inquiéter étant donné que je suis quand même assez positif, assez croyant dans une bonne année boursière, ce serait d'avoir une inflation qui, après avoir fait de bons progrès baisse tout à coup, s'arrête à peu près au niveau où l’on est, qui est à un niveau qui est trop haut pour les banques centrales, pour le confort des banques centrales. Et puis là, à partir de là, les coupures de taux sont poussées, poussées, poussées un peu comme on a vécu en 2023, on les repousse et puis finalement on n'a jamais ce rallye-là de coupures de taux qui vient mettre un peu de vie dans le party boursier, allumer les lumières puis partir la musique. On ne l'a pas. Puis ça demeure une soirée somme toute très tranquille.
Sébastien : Puis un facteur très clé qui pourrait venir jouer ici, c'est encore la Chine. On en a parlé dans l'épisode précédent. Si la Chine décide d'être plus pragmatique plutôt que d'être dogmatique sur la trajectoire de long terme, puis dit : ok, à court terme, on soutient l'économie, on donne un gros stimulus, puis finalement ça devient un vecteur de croissance pour l'économie mondiale, ça peut nous amener clairement dans ce scénario-là; que l'inflation mondiale demeure plus élevée, puis que les coupures de taux, on dit que c'est rendu en 2025. Dans ce cas-là, ça pourrait enlever un des supports importants à l'appétit pour le risque.
Marc : Oui, parce qu'à ce moment-là, on va avoir la baisse des profits à cause de la récession, puis on n'aura pas l'expansion des multiples à cause de la coupure de taux qu’on espère et que nous n’aurons pas. Et puis ça, ce serait le scénario pour qu'on ait, après une année 2023 correcte, mais sans plus, un retour en arrière en 2024, des années plus difficiles, de rendements plus difficiles, qui je pense ferait très mal aux investisseurs, qui ont hâte de voir des beaux rendements comme on a déjà connus.
Sébastien : Puis, comme on disait au début de l’enregistrement qu'on a fait pour la revue de l'année 2023, il y a le vieil adage qui dit que c'est difficile de faire des prévisions, surtout quand on parle du futur, bien 2024 probablement, est une des années ‒ je trouve que c'est toujours difficile de prédire une année ‒ pour laquelle l'ensemble des probabilités est assez étendu.
Marc : Là, j'aurais le goût de faire une petite farce, Sébastien, pour te dire que tu dis toujours ça chaque année, mais ce n’est pas vrai du tout. Mais non, je pense que le plan de match est assez clair. On a une récession plus ou moins sévère, probablement moins que plus en début d'année, puis on a des coupures de taux, puis on reset tout ça, on remet tout ça à zéro, puis on repart avec un cycle économique positif. Ça, je pense que c'est quelque chose qui est assez dans le sens du courant. Par contre, les embûches potentielles, la Chine, les élections, le comportement de l'inflation, sont nombreuses. Puis, il y a bien des choses qui restent quand même à tomber en place tel que prévu. Puis je mets ça entre guillemets. Si jamais on a des surprises de ce côté-là, bien le scénario de base va être à retravailler.
Sébastien : Il va falloir te réinviter en cours d'année pour réviser les prévisions.
Marc : Je suis toujours disponible pour une bonne discussion.
Ashleay : Alors, voilà donc la fin de notre épisode pour les marchés boursiers et les prévisions de l'année 2024. On espère que vous avez trouvé les informations intéressantes, et merci encore une fois à toi, Marc, d'avoir accepté notre invitation au balado. Et merci, Sébastien, pour ta présence. On se revoit la semaine prochaine. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts!, disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.
À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon et Marc Gagnon
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