Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! de iA Groupe financier. Mon nom est Ashleay et je suis en compagnie de mon collègue Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe financier. Aujourd'hui, on va parler d'un sujet d'actualité qui est un petit peu flou pour moi : la cryptomonnaie. D'ailleurs, pratiquement tout s'effondre présentement dans l'écosystème de la crypto. On se demande : est-ce que c'est le bon temps d'investir? est-ce qu'avec 100 $ je peux devenir millionnaire? Puis, si oui, par où je commence alors? Heureusement, on a avec nous Sébastien qui pourra nous éclaircir un peu. Bonjour Sébastien.
Sébastien : Bonjour Ashley.
Ashleay : Alors, Sébastien, peux-tu nous expliquer un petit peu c'est quoi la crypto?
Sébastien : Bien, je vais commencer en te disant qu'il y a peu de chances que si tu investis 100 $ aujourd'hui en crypto, tu deviennes millionnaire. Malheureusement. Du moins à court terme. Donc, à long terme, on ne sait jamais. Mais la cryptomonnaie, regardez, l'angle que je vais essayer d'utiliser aujourd'hui, je ne tomberai pas trop dans le technique, parce que je ne m'improviserai pas expert, mais une cryptomonnaie, c'est une forme de monnaie, donc c'est un actif numérique qui est décentralisé, c'est-à-dire que ce n’est pas émis par aucune banque centrale de la planète. Et il y a des gens qui reconnaissent que ça a une valeur suffisante pour que ce soit affiché sur certains, certains sites de suivi d'actifs financiers, puis on peut acheter, puis on peut, on peut faire des transactions avec ça. Donc, c'est comme une espèce de monnaie alternative que les gens ont décidé d'utiliser. Ça a été reconnu par certains gouvernements, comme en Amérique du Sud, il y a des gouvernements qui ont décidé d'adopter la crypto pour, comme monnaie officielle. Donc, ça commence, mais je vous dirais qu'on est encore bien gros dans le Far West, là, du côté des cryptomonnaies.
Ashleay : Je comprends, et puis, justement, qu'est-ce qu'on peut acheter avec ça?
Sébastien : Bien, on peut, pendant un bout de temps, tu aurais pu t'acheter une belle Tesla flambant neuve avec des bitcoins, entre autres. Maintenant, c'est plus possible. Je te dirais que des compagnies qui acceptent officiellement les bitcoins, je ne les connais pas. Il y a pendant un temps on entendait que ça s’en venait, mais je ne pense pas que ce soit très répandu. Les statistiques « officielles », si on peut dire, démontrent que c'est beaucoup du côté du marché noir encore que c'est utilisé, parce que l'idée de cette devise-là, c'est quand on fait une transaction de gré à gré, bien, cette transaction-là, elle est difficile, voire impossible à suivre. Donc, c'est bien pratique quand on a des choses à transiger en cachette ou quand on n'a pas confiance au gouvernement, puis on se dit : « Je veux faire des choses de mon côté, tranquille, sans me faire suivre par l'appareil gouvernemental. »
Ashleay : Je comprends. Donc, ça peut être un avantage et un inconvénient, finalement, là.
Sébastien : Oui, tout à fait. Puis, dans les avantages, tu sais, les transactions, ça peut être potentiellement peu dispendieux pour faire des grandes transactions, malgré que, pendant un bout de temps, c'était très dispendieux de faire des transactions en cryptos. Donc, ça dépend des moments. Mais, dans les inconvénients, c'est que tout ça, c'est géré par des réseaux d'ordinateurs à l'international, puis on se rend compte que ça coûte cher d'énergie, d'électricité, faire fonctionner ce système-là.
Ashleay : Absolument, absolument. Et puis là, l'échange FTX Crypto fait actuellement l'objet d'une procédure de faillite en vertu du chapitre 11 aux États-Unis. Son fondateur et ses dirigeants font face à des poursuites pénales pour fraude. Est-ce que tu as quelques informations là-dessus?
Sébastien : Oui, bien, peut-être, peut-être juste avant, pour nous situer, les cryptos, c'était un marché qui a été en forte effervescence en 2020-2021, principalement. Avant ça, il y a eu des périodes, là, spéculatives dans le début, dans le milieu des années 2010, là, mais récemment, on a atteint un record le 9 novembre 2021 pour le prix du bitcoin; ça se transigeait précisément à 67 734 $ américains par bitcoin. Puis, ça, c'était en novembre 2021. Le 31 décembre 2022, on était rendu à 16 500, donc c'était 76 % de moins. Quand tu parles de FTX : FTX, c'était une plateforme d'échange, donc c'est un endroit où on pouvait envoyer de la vrai argent, entre guillemets, pour acheter des cryptomonnaies. Et puis, cette plateforme-là avait émis sa propre cryptodevise, parce que dans le monde du Far West des cryptos, on peut émettre notre propre devise. Et puis, cette devise-là se négociait pendant un bon bout de temps à 80 $ américains. Puis, puisque la compagnie est tombée, pour des raisons qu'on va détailler dans quelques minutes, bien le prix de cette cryptodevise-là, le FTX Stable Coin, donc le FTT, ça se transige à moins de 1 $ américain. Donc, ça a perdu 99 % de sa valeur. Donc, les gens qui ont acheté ces cryptos-là, en espérant devenir riches, bien, ils ne se retrouvent pas riches; ils ont à peu près tout perdu. Donc, ça vient illustrer un peu, encore une fois, le cas, quand on lit sur l'histoire de la spéculation financière, on se rend compte que c'est très souvent les mêmes thèmes qui apparaissent. Puis, quand il y a une nouvelle technologie qui se présente, qui est prometteuse, bien, la spéculation fait en sorte que les gens sont excités à ces perspectives-là, ils voient des premières personnes qui deviennent riches à investir là-dedans, on a l'impression que ça peut juste monter parce que, c'est évident, tout le monde autour de moi est en train de se rendre riches à acheter ça; puis, c'est sûr qu'il y a des gros joueurs qui sont derrière ça, donc c'est sûr que ça baissera pas. Donc, c'est ça la psychologie que les gens ont. Et puis, on se retrouve avec des enjeux où éventuellement les bulles deviennent trop grosses, s'effondrent, donc un peu ce qu'on vient de décrire, là : que le bitcoin a perdu 75 % de sa valeur. Et puis, ça mène aussi quand il y a des beaucoup de liquidités, beaucoup d'argent qui s'en va vers une classe d'actifs, bien ça ouvre la porte à des gens qui ont peut-être de moins bonnes morales d'en profiter. Et on se retrouve avec des problèmes comme on est en train de voir, là, avec les fondateurs de l'échange FTX.
Ashleay : Absolument. Et là, ça, ça rappelle un petit peu des bulles de l'histoire financière, là.
Sébastien : Oui, tout à fait. Il y avait la fameuse bulle des tulipes en Hollande. Si tous les gens commençaient à spéculer que les tulipes, ça vaudrait de plus en plus cher, du moins les bulbes de tulipes. Donc, on a commencé à spéculer. Les prix ont augmenté beaucoup jusqu'à un certain moment. Mais, on se rendait compte qu'il y avait plus de contrats qui avaient été émis que le nombre de tulipes. Donc, quand c'était le temps de passer à la caisse, aussi, les gens n’avaient pas vraiment l'argent qu’ils avaient commis d'avance pour acheter les bulbes de tulipes, donc ça s'est effondré. Les tulipes, on s'entend que ça n’accroît pas la productivité de rien. Les cryptodevises, ça pourrait augmenter la productivité, ça pourrait révolutionner un pan du système financier, éventuellement. Probablement pas aujourd'hui. Donc, ça rappelle peut-être un peu les chemins de fer en Angleterre, dans le milieu des années 1800. On a commencé ‒ la locomotive à vapeur a été inventée ‒, on a commencé à installer des chemins de fer pour relier les grands centres les uns des autres. Mais c'était un monde qui était très décentralisé. Donc, toi et moi, Ashleay, on aurait pu se partir une compagnie, on aurait pu appeler ça Chemins de fer Ashleay et Sébastien, puis lever du capital, puis vraiment bâtir un chemin de fer qui relie Québec à Montréal, ou, dans ce temps-là, Londres à Manchester en Angleterre. Puis il s'est bâti énormément de chemins de fer. Les gens spéculaient, les gens achetaient ça à grand prix parce qu'on pensait que ça allait changer le monde, jusqu'à un certain moment. On s'est rendu compte que les bénéfices venant de là, ils ne viendraient pas aussi rapidement qu'on le pensait. Donc, les chemins de fer étaient bel et bien là, mais c'était pas aussi profitable qu'on le pensait. Puis, à un certain moment, comme on a vécu récemment, les taux d'intérêt commencent à augmenter, c'est plus difficile d'emprunter, le crédit coûte plus cher, donc la bulle se dégonfle. Puis, quand ça se dégonfle, ça tombe. Les chemins de fer en Angleterre, c'est un bon exemple parce qu'ils se sont bâtis, les chemins de fer, ça n’a pas été payant sur le moment. Quand on s'est projeté un peu plus loin dans le futur, l'Angleterre est devenue très productive parce qu'elle avait beaucoup plus de chemins de fer qu'ailleurs. Mais ceux qui ont investi dans la bulle des chemins de fer, il y en a qui ont fait beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de gens qui ont perdu beaucoup d'argent aussi. Et puis, il y a un peu l'écho, la bulle des technos dans les années 90, Yahoo ça existe encore, Google est né à ce moment-là. Il y a des grandes compagnies qui existent encore, mais faut pas oublier qu'il y a des pets.com et des flowers.com que les gens pensaient qu'on allait se rendre riches avec ça. Et il y a du surinvestissement, trop d'optimisme, qui fait en sorte qu'éventuellement ça peut s'effondrer, tout ça.
Ashleay : Puis, qu'est-ce qu'on peut apprendre de tout ça, justement?
Sébastien : Bien, ce qu'on peut apprendre, c'est que quand on investit, c'est notre argent qu'on investit, donc faut être prudent. Puis là, dans tout ce qu'on a discuté, là, on n’a pas plongé directement dans le sujet de la gouvernance. Quand on parle de fonds d'investissement responsables, des fonds ESG, bien le « G » pour la gouvernance, c'est important. Puis, ce qui s'est passé avec l'échange FTX, c'est quand même similaire à ce qui s'est passé dans l'histoire de Bernie Madoff dans les années 2000, là, que le monsieur était arrêté en décembre 2008. Il y a un très bon documentaire dans le moment sur la plateforme Netflix, là, si ça vous intéresse. Mais quand l'argent rentre dans une stratégie de placement, dans une classe d'actifs, donc il y a des parallèles, c'est pas exactement la même chose, mais une personne qui a un peu moins de morale commence à puiser dans l'argent des clients pour financer ses propres dépenses personnelles de façon claire. Puis, dans le moment, c'est un peu ça le processus judiciaire qui est en train de se développer autour de l'histoire FTX, là. Les gens vont probablement, tous les gens qui étaient impliqués, dont les fondateurs, faire plusieurs années de prison. Là, on parle d'une fraude d'environ 8 milliards de dollars. Bien, le message, c'est que c'est important de savoir qui dirige l'entreprise dans laquelle j'investis. Qu'est-ce qui se passe là? Oui, tout le monde autour de moi a l'air de faire de l'argent avec ça. Je veux être dans le party moi aussi. C'est la mentalité que les gens ont quand il y a des bulles qui se gonflent, quand il y a de la liquidité ample, quand les taux d'intérêt sont bas. Mais il faut savoir qui gère la plateforme. Dans ce cas-ci, où j'envoie mon argent, quand j'envoie des dollars canadiens, américains, est-ce qu'ils achètent vraiment des cryptodevises avec ça? Bien, finalement, on s'est rendu compte que non, ils ne le faisaient pas. Donc, est-ce qu'on peut le vérifier? Puis si la réglementation n'est pas appropriée, la classe d'actifs dans laquelle on a investi, bien, c'est difficile de vérifier. Donc, est-ce qu'on fait confiance; est-ce qu'on est vraiment prêts à prendre ces risques-là? Est-ce qu'on comprend, est-ce qu'on mesure les risques qu'on est en train de prendre? C'est les questions importantes à se poser. Puis, toujours, si ça a l'air trop beau pour être vrai, bien, peut-être que c'est trop beau pour être vrai.
Ashleay : En effet. Bien, merci beaucoup Sébastien. C'est vraiment un plaisir de t'entendre. Alors, on va vous laisser là-dessus et on se dit à la semaine prochaine pour un autre épisode. Cette fois, on va avoir la chance d'entendre notre invitée Stéphanie Leduc, vice-présidente et chef de la dette privée chez iA Groupe financier à propos des femmes dans les marchés des capitaux. Alors, merci d'avoir été là, Sébastien. On se retrouve la semaine prochaine!
Sébastien : Tout à fait.
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Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon
Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuillesCe balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.