L’impact sur les marchés des déclarations de Trump

Le flot incessant de déclarations Donald Trump génère beaucoup d’incertitude pour l’économie mondiale. Dans un deuxième épisode sur le début de l’ère Trump 2.0, nous abordons avec nos spécialistes les conséquences que peuvent avoir de tels propos sur les boursiers et obligataires, notamment.

Pierre : Bonjour à tous et bienvenue au balado À vos intérêts! Mon nom est Pierre Dolbec et aujourd'hui je suis accompagné de mes collègues Sébastien Mc Mahon, stratège en chef, et Dominic Siciliano, vice-président principal et chef du revenu fixe. Et on continue, en fait, notre discussion de la dernière fois sur un sujet qui est très, comment dire, chargé! Donc bonjour, Dominic.

Dominic : Bonjour, Pierre.

Pierre : Bonjour, Sébastien.

Sébastien : Salut, Pierre. Salut, Dominic. Il y avait beaucoup de choses à dire sur ce sujet-là. Donc on a jugé bon de faire deux épisodes. Puis là aujourd'hui, on va essayer de creuser l'impact de tout ça dans les marchés. Parce qu'ultimement, l'impact sur les portefeuilles des gens, il peut être large si on s'en va dans le pire des scénarios. Donc, comment est-ce qu'on peut démêler tout ça? On va avoir besoin de ton aide, Dominic, aujourd'hui!

Dominic : C'est toujours un plaisir d'être avec toi et l'équipe.

Pierre : D'ailleurs, on a parlé un peu de tarifs lors du dernier épisode. On peut commencer peut-être, vu qu'on veut parler plus de l'impact sur l'économie : qu'en est-il du prix du pétrole, Dominic?

Dominic : C'est vraiment complexe parce qu’il y a toujours des facteurs autres ou externes qui ont un impact sur le prix du pétrole. Mais évidemment, ça veut dire plus cher pour les gens, les consommateurs canadiens et américains. C'est un tarif de 10 %, je pense – vous me corrigerez si ce n'est pas le dernier chiffre qu'on a – mais ça devrait être 10 %. Ce sera encore une taxe sur la consommation. On ne peut pas se passer de nos voitures, au Canada surtout. On dépense beaucoup de pétrole l'hiver en plus. Alors ça a un impact négatif non seulement sur le consommateur, mais l'économie en général. On peut s'attendre encore peut-être à une hausse au niveau du prix à la pompe.

Pierre : Sébastien, au niveau du dollar canadien, qu'est-ce qu'on peut observer?

Sébastien : Le dollar canadien, c'est un sujet qui est intéressant ici, parce que le dollar canadien s'est quand même déjà affaibli beaucoup depuis octobre en prévision des tarifs douaniers qui s'en venaient. Puis on a eu un rebond quand même assez intéressant de 67 sous à environ 70 sous dans les dernières semaines quand on s'est rendu compte que ça ressemble plus à une stratégie de négociation qu'une vraie menace sérieuse, ces menaces de tarifs là.

Donc, ce que ça veut dire, c'est que le marché des changes, en ce moment, les investisseurs s'attendent plutôt à ce que ce soit transitoire. Mais si les tarifs arrivaient, puis s'ils étaient permanents, par contre, bien là, il faut s'attendre à ce que le dollar canadien se négocie plus proche de la fourchette de 60 à 65 sous par rapport au dollar américain. S'il y a une rampe de sortie qui se matérialise à court terme, le dollar canadien pourrait rebondir.

Donc, dans nos stratégies, on en a pris une position quand on a vu le dollar canadien reculer à 67 sous, en pensant qu'il allait rebondir. Parce qu'il y a quand même des risques qu'on ait des surprises positives. Peut-être qu'il y avait beaucoup de négativisme dans les marchés, mais je vous dirais que c'est une position qui est relativement petite parce qu'il y a beaucoup d'incertitude et qu’il faut faire très attention avant de se prononcer avec un niveau de conviction élevé sur ce sujet-là.

Pierre : Et si on pense aux marchés boursiers, qu'est-ce qu'on peut observer présentement?

Sébastien : Aux États-Unis dans les marchés boursiers, la très forte concentration dans les actions technologiques, les sept magnifiques, ça peut quand même limiter l'impact direct sur le marché parce que ce sont des sociétés qui sont peu exposées à la guerre commerciale. Mais par contre, le sentiment de risque plus général dans les marchés peut quand même les affecter. Donc, les industries qui sont plus étroitement touchées par les droits de douane, comme les constructeurs automobiles ou des entreprises industrielles, pourraient ressentir un impact plus fort.

Chez nous, au Canada, un impact macroéconomique plus généralisé pourrait être pris en compte dans un premier temps, qu'il s'agisse d'un choc durable ou bien d'un choc à court terme sur la volatilité. Mais ça va dépendre beaucoup aussi des mesures fiscales qui pourraient être mises en place, des mesures monétaires, donc, la Banque du Canada, si elle va couper son taux directeur, la persistance ou l'atténuation rapide de la guerre commerciale. Cela fait qu'encore une fois, la réponse courte c'est : « ça dépend », mais la réponse longue, c'est que pour les marchés boursiers, il va y avoir des opportunités et des endroits où se réfugier quand même à travers tout ce brouillard-là.

Pierre : J'aurais envie de te poser une question, Sébastien. Tu parlais des « sept magnifiques ». Je sais que c'est une expression consacrée depuis quelques années. Est-ce qu'on pourrait expliquer un peu de quoi il s'agit?

Sébastien : Oui. Les sept magnifiques, c'est les sept plus grands titres américains et technologiques qui sont liés au thème de l'intelligence artificielle, et puis à la révolution technologique qu'on a en place. Par exemple, Nvidia, qui produit des cartes graphiques qui vont servir dans les serveurs pour faire fonctionner les algorithmes d'intelligence artificielle, Tesla, qui investit beaucoup en intelligence artificielle aussi pour faire éventuellement des robots pour les autos qui se conduisent elles-mêmes, Apple, Meta (anciennement Facebook), Google et Amazon. Donc tous les grands titres qui sont au cœur de la révolution industrielle, qui passe par l'intelligence artificielle, qui se déroule actuellement.

Pierre : Merci beaucoup. Dominic, si on poursuit, qu'est-ce qu'on peut dire à propos des taux d'intérêt et des marchés d'obligations présentement?

Dominic : Merci, Pierre. Je dirais qu'on va répondre à la question, peut-être, en deux facteurs. D’abord, tu as l'impact des décisions de la Banque du Canada, l'impact sur la courbe de taux canadienne et ensuite peut-être le marché de crédit, qui est aussi très lié évidemment aux investissements obligataires. Alors, la Banque du Canada est dans une situation fâcheuse parce que pour aider les citoyens dans cette crise économique qui pourrait survenir avec des tarifs, elle doit couper les taux, ce qui habituellement affaiblit le dollar canadien, et peut créer de l'inflation aussi dans l'économie à cause de ça, parce qu'on est quand même consommateurs et acheteurs de biens à l'étranger.

Cette inflation, habituellement, elle est combattue par la banque centrale en augmentant les taux, et maintenant la banque doit couper les taux pour restimuler l'économie. Alors cette inflation-là peut avoir quand même un impact assez négatif sur la courbe de taux canadienne. Je ne pense pas qu'on va revivre un 2022. Je vous explique pourquoi : il pourrait y avoir des niveaux de rendement plus élevés sur la courbe, alors une obligation canadienne 10 ans va peut-être avoir un rendement qui va passer, on va dire, de 3,5 à 4. Il y a quand même le coupon présentement où le rendement que nous donne une obligation nous protège contre une certaine hausse au niveau de cette courbe de taux, ce qui n'était pas le cas en 2022 quand les taux étaient très, très bas. Chaque augmentation des taux avait un impact directement sur le capital investi, ce qui a donné beaucoup de rendements négatifs.

Alors ça peut nous protéger contre la hausse de taux. Mais c'est quand même une situation assez difficile, comme j'essaie d'expliquer, où est-ce que pour combattre un ralentissement économique, on baisse les taux. L'impact est de réduire la valeur du dollar canadien, puis possiblement d’augmenter le coût pour les Canadiens, parce qu'on importe beaucoup de choses. Ça, ça a un impact déflationniste, puis c'est vraiment au détriment du consommateur, donc une situation assez difficile.

Au niveau du crédit, si avec les tarifs, les compagnies sont capables de passer l'augmentation de prix au consommateur sans trop d'impact, ça devrait être assez stable. Mais on pourrait voir aussi des situations où certaines compagnies ne seraient plus rentables ou moins rentables et on verrait peut-être une réévaluation de leur cote de crédit, de leur rentabilité à long terme. Et ça, ça a un impact assez important sur les obligations de sociétés au niveau du marché. Je pense surtout dans le secteur de pétrole, etc., il pourrait y avoir un peu de bruit dans ce secteur-là, puis dans le secteur high yield aussi, où on pourrait avoir aussi des compagnies peut-être plus à risque avec une récession possible, un consommateur moins présent. Alors l'inquiétude économique reliée aux obligations de sociétés reviendrait. Puis on est quand même sur un cycle où les obligations de sociétés ont très bien fait, et c'est peut-être le temps d'en redonner. Alors on est un peu plus conservateurs par rapport à notre exposition à ces secteurs-là.

Sébastien : Tu as raison, Dominic, c'est très complexe, surtout du côté des obligations. C'est pour ça qu'on voulait t'avoir avec nous aujourd'hui, pour démêler tout ça. Puis l'incertitude envers ce que les banques centrales vont faire, ça aussi, ça pèse sur les marchés. Tous les marchés confondus, ça a un impact sur les actions, les obligations, les devises, les prix des ressources naturelles. Puis on regarde, tu sais, on parle régulièrement à la Banque du Canada. On se fait demander notre opinion sur un paquet de choses, puis sur nos attentes, puis la Banque du Canada, bien sûr, ne nous dit pas ce qu'elle va faire. Pas du tout. Mais quand même, nos attentes envers la suite des choses, bien, c'est qu'ils vont probablement rester sur les lignes de côté pendant un bout de temps. Donc la décision du mois de mars, on s'attend à ce que ça soit une décision où on reste sur les lignes de côté, mais l'aspect communication va devenir très important.

La Banque du Canada et la Réserve fédérale aux États-Unis continuent de parler, de dire « OK, avec ce qui se passe en ce moment, voici comment on voit les choses. Voici comment on pourrait réagir », juste pour inspirer confiance aux investisseurs, aux entreprises aussi, pour avoir une idée de la suite des coûts d'emprunt. Parce que les taux d'intérêt, ça a un impact dans vos portefeuilles, mais ça a un impact aussi beaucoup sur les projets d'investissement qui vont se faire ou non. Donc tout ça, en 2025, ça risque d'être un sujet chaud, puis probablement qu'on va en parler souvent dans le balado ici.

Pierre : Donc justement, je pense qu'on démarre l'année avec des sujets très chargés où il y a beaucoup d'incertitudes aussi. Donc, comme tu le disais, Sébastien, on va certainement avoir l'occasion d'en rediscuter tout au long de l'année.

Merci beaucoup, Dominic et Sébastien, pour cette discussion très intéressante. Merci à tous nos auditeurs. On se retrouve dans deux semaines pour un prochain épisode du balado À vos intérêts!

Ashleay : (voix préenregistrée) Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l’actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon et Dominic Siciliano

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

Cours des actions

2025-04-13 11:05 HAE

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