Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! de iA Groupe financier. Mon nom est Ashleay et cette semaine je suis en compagnie, comme à l'habitude, de mon collègue stratège en chef Sébastien Mc Mahon. Et nous avons en plus une rencontre des plus intéressantes avec notre collègue Dominic Siciliano, vice-président principal des revenus fixes. Alors bonjour, Dom!
Dominic : Bonjour, Ashleay.
Sébastien : Salut, Dominic.
Dominic : Salut, Sébastien.
Sébastien : C'est le fun de passer du temps avec toi. On a passé beaucoup de temps l'année passée à faire de la musique tous les deux.
Dominic : Oui, absolument.
Sébastien : Vous ne savez peut-être pas, mais Dominic est un guitariste extraordinaire. Comme toujours, il joue avec les deux mains sur le manche, les yeux fermés, la tête dans les airs. C'est inspirant de te regarder jouer.
Dominic : Merci. Mais j'avais un bon partenaire sur scène, Sébastien, en toi.
Sébastien : On a eu beaucoup de plaisir, comme on dirait. Puis aujourd'hui, on va doubler le plaisir parce qu'on va parler avec toi d'investissements en obligations. Puis je ne dis pas ça sarcastiquement parce que les gens ont tendance à réfléchir à l'investissement et à dire « on achète des actions, du Nvidia, du Apple et tout », mais le marché obligataire dans le monde est plus grand en dollars que le marché boursier. Puis investir en obligations, bien, ça prend une expertise spéciale.
Dominic : Absolument. La dette comme telle ou les marchés obligataires, ce n'est pas une grande préoccupation des investisseurs. Dans les dernières années, un peu plus à cause de l'inflation puis le mouvement des banques centrales. Mais pour moi, ça a été un grand éveil, le marché de revenu fixe. Parce que souvent, quand on regarde le marché souverain, tout est dans le prix, tout! Une nouvelle économique, un changement gouvernemental, tout ce qui peut avoir un impact, un lien directement avec le prix de l'obligation. C'est aussi lié aux devises qui sont main dans la main dans l’évaluation d'un titre de revenu fixe. Alors c'est quand même un marché très dynamique et très intéressant, surtout quand on regarde la géopolitique. Puis on va en discuter aujourd'hui.
Sébastien : Puis les attentes ou les anticipations des investisseurs sur ce que la croissance économique va être, les attentes envers l'inflation, les attentes envers les politiques des gouvernements, les attentes envers les conflits, tout ça, ça influence en temps réel les taux d'intérêt, donc les prix des obligations. Ça fait qu'il faut être au courant de tout ça.
Dominic : Absolument. Puis tu fais partie de notre processus, Sébastien. Quand on se rencontre toutes les semaines pour parler de marchés, c'est une donnée qui est hyper importante pour nous, pour comprendre où est le marché, où il y a des exagérations ou des opportunités au niveau du marché. Mais quand on parle de géopolitique dans notre coin, on peut peut-être décortiquer ça pour l'audience?
Sébastien : Oui.
Dominic : C'est quoi la géopolitique? C'est des disputes territoriales. Alors, ce qu'on vit présentement avec l'Ukraine et la Russie, les concurrences pour les ressources, la Chine qui veut avoir le monopole sur les métaux précieux ou les métaux rares, on va dire. Les menaces de sécurité, les armes nucléaires, c'est un bon exemple. Est-ce que l'Iran va en obtenir? Et la Corée du Nord? Les alliances et les traités. Ça, c'est des choses nationales qui peuvent être comme le libre-échange avec les États-Unis, la création de l'euro, qui évidemment a des gros facteurs sur l'évaluation des titres. La mondialisation, on est parti d'un environnement où on fait de plus en plus affaire avec l'étranger et moins de production locale pour les pays développés. Alors, ce thème-là, c'est quelque chose qui joue très fort dans la géopolitique. Les crises humanitaires. Ce qu'on a vécu avec la Syrie, avec les mouvements de population qui quittent leur maison, leur domicile pour aller ailleurs parce qu'il y a un problème politique ou environnemental ou économique. Puis aussi, finalement, la concurrence idéologique. Alors, ça, ça peut être un point de vue dans les démocraties : gouvernement de droite, gouvernement de gauche, extrême droite, extrême gauche, mais aussi le communisme ou d'autres formes de gouvernements comme des dictateurs.
Sébastien : Puis un très bon exemple qu'on a discuté souvent toi et moi, c'est la COVID. Tu sais, on a un événement mondial qui est venu chambouler l'équilibre. Puis on parlait, comme tu disais tantôt, on a externalisé, on a envoyé beaucoup de production vers la Chine, puis on s'est rendu compte que… oups! Chacun des pays devenait un peu vulnérable sur sa chaîne d'approvisionnement locale. Donc, on est en train de parler de rapatrier de la production. Donc ce que ça fait, c'est que la croissance économique va venir à des endroits différents. L'inflation pourrait être un peu accélérée avec tout ça. Donc tout ça, c'est des éléments géopolitiques qui sont au cœur du travail d'investir en revenu fixe.
Dominic : Assurément! Puis quand tu prends l'exemple de la COVID, on a importé, on peut dire, de l'inflation à cause de cette situation-là. Puis les banques centrales font de leur mieux pour la combattre, mais c'est quand même une force externe qui a créé le premier mouvement vers des hausses de prix. Puis nous, dans nos processus, quand on regarde un peu l'évaluation pour le marché obligataire, ce qui est important, c'est de partir avec nos discussions sur le marché monétaire. Qu'est-ce que les banques centrales vont faire? C'est quoi le taux d'investissement à zéro risque? C'est quoi le taux d'emprunt?
Sébastien : Le taux directeur des banques centrales.
Dominic : Le taux directeur, merci pour la précision, c’est ça. Ensuite, on va regarder ce que les gouvernements font en termes de programme fiscal? Est-ce qu'ils nous envoient de l'argent à dépenser? Est-ce qu'ils vont augmenter nos taxes? Alors encore une fois, beaucoup d'impacts sur l'évaluation obligataire. Et ensuite, quand on regarde le côté réglementaire, c'est hyper important de voir quels sont les changements. Alors un exemple courant qu'on a eu dans les dernières années : durant la présidence de Trump, on a eu un retrait du niveau de sévérité de la réglementation du côté bancaire après la crise financière de 2008. Beaucoup d'impacts sur l'évaluation et encore une fois sur les prix d'obligations.
Sébastien : Puis on parle des obligations aussi. Il y a des obligations souveraines, donc la dette des gouvernements, mais aussi les obligations des entreprises, donc des titres obligataires émis par des banques américaines qui vont fluctuer beaucoup avec tout ça.
Dominic : Absolument.
Ashleay : Puis d'ailleurs, c'est quoi les thèmes géopolitiques qui t'empêchent de dormir la nuit?
Dominic : Alors il y en a beaucoup! Mais on fait toujours la blague : les gestionnaires obligataires, c'est des gens plutôt pessimistes, alors on est toujours inquiet sur ce qui peut se passer! On veut revoir notre argent, on veut recevoir nos coupons, mais on veut recevoir aussi notre capital dans l'investissement. La démondialisation, quand même, c'est un thème qui va prendre peut-être plusieurs décennies avant de décortiquer tout ça, mais ça peut être quelque chose qui va vraiment changer la donne. Quand on a exporté toute notre capacité de production pour nous, les pays développés, ailleurs, ça a mené à la croissance, à un échange commercial très important avec les pays. Si on retourne vers une centralisation à l'intérieur des pays, ça va avoir des impacts énormes au niveau de la géopolitique, et c'est quelque chose qui m'inquiète beaucoup pour l'avenir. C'est sûr qu'au niveau de la politique externe des États-Unis, pour le Moyen-Orient ou quand on regarde ce qui se passe en Russie, en Ukraine, ça aussi, ça m'inquiète pour la situation géopolitique, puis l'équilibre politique planétaire.
Ashleay : Puis du côté des risques géopolitiques et facteurs environnementaux, sociaux, de gouvernance, le fameux ESG. Est-ce que c'est interconnecté? J'imagine que oui?
Dominic : Absolument, Ashleay, c'est un excellent point. Je pense que pour moi, c'est infiniment lié. Quand on regarde les risques environnementaux, ça a un impact directement sur la migration des gens. L'impact économique… Pensez à une place où il n’y aurait peut-être plus d'eau à cause d'une sécheresse et tout l'impact économique que ça a pour la région et le déplacement de la population qui va suivre. Au niveau des risques sociaux, le droit de l'homme, le droit de la femme, l'impact que ça a aussi sur la capacité d'avoir une société qui est juste, ça aussi, pour un investisseur, c'est important d'avoir cet aspect-là. Puis au niveau de la gouvernance, est-ce que la gouvernance est dans un mode dictateur? Est-ce qu'on peut aller en cour pour faire représenter nos idées? L'évaluation économique qui est reliée à avoir un système de cour comme en Amérique du Nord, où est-ce qu'on peut quand même se débattre, tu sais, sans avoir besoin d'armes ou d'autres choses. Alors c'est évidemment très relié à la géopolitique, puis ça se croise tout le temps. Alors c'est quand même deux sciences, si tu veux, ou deux visions qui sont vraiment liées.
Sébastien : Puis une chose qui est d'actualité est la pression envers les pays développés ou de l'OTAN de dépenser le fameux 2 % du PIB en défense par année. S'il y a vraiment un mouvement qui s'installe là, ça va se refléter sur les budgets, donc sur les taux d'intérêt liés aux dettes de ces pays-là.
Dominic : Assurément.
Sébastien : Tout est relié. Puis, tu sais, dans les sources d'information, je sais que ton équipe et notre équipe à nous partagent certaines sources dont Eurasia Group, qui est très bien cotée, même qui est influent sur la scène géopolitique. Mais pour monsieur et madame Tout-le-monde qui n'a pas nécessairement accès à ça, qui regarde les nouvelles, oui, mais qui veut en apprendre un petit peu plus sur la géopolitique, qu'est ce que tu recommandes comme source?
Dominic : Pour le côté francophone, je dirais : « Écoutez les nouvelles en Europe. » Tu sais, c'est peut-être une plogue pour TV France, mais ils ont vraiment une perspective différente sur la planète. Puis tu peux entendre l'histoire sur l'Amérique du Nord de leur perspective aussi, ça ouvre les yeux pour ça. Il y a beaucoup de balados que vous pouvez regarder dans votre réseau préféré pour ça, sur la géopolitique, c'est une bonne façon d'avoir des discussions avec des personnes qui sont vraiment sur des sujets précis de géopolitique. Au niveau des livres, il y a deux livres en anglais. Je pense que le premier a été traduit en français. C'est The World : A Brief Introduction, qui est un livre qui donne vraiment un aperçu sur l'importance géopolitique, puis comment ça fonctionne un peu. Puis après ça, pour un lecteur un peu plus avancé, Henry Kissinger. Pas de plogue pour la vision politique ou l'individu, mais quand même, il a écrit un livre récemment, New World Order, qui donne un peu une perspective sur ce que les politiciens pensent de la géopolitique, puis comment ça a une implication sur la scène internationale et les politiques à l'étranger. Puis avoir de la curiosité, lire sur l'histoire. Souvent les thèmes, quand on parle de l'Ukraine, par exemple, c'est une situation géopolitique, mais il y a toute l'histoire de : « Ça appartient à qui l'Ukraine? C’est quoi le lien avec la Russie? C’est quoi le lien avec l’OTAN? » Et tout ça, alors c'est vraiment intéressant d'avoir un peu de curiosité à ce niveau-là, des littératures en sciences politiques.
Sébastien : Oui.
Dominic : Puis, écoutez, évidemment, ce qu'on produit! Parce que ce que tu nous donnes comme recherches, Sébastien, il y a toujours un facteur de géopolitique qui va être à l'intérieur de ça aussi.
Sébastien : Oui, toujours, l'économie puis la géopolitique, c'est lié. Puis Kissinger, comme tu disais tantôt, c'est quelqu'un qui a façonné même l'histoire de la géopolitique moderne quand il était secrétaire d'État de Nixon dans les années 70. Donc des gens comme ça, des grands penseurs qui ont influencé le monde, c'est toujours intéressant. Puis juste tantôt, tu parlais des gestionnaires de revenus fixes qui ont tendance à être relativement pessimistes. Peut-être un petit message pour les jeunes qui peuvent nous écouter, qui veulent aller dans le placement. On a toujours tendance à penser : « Si tu veux aller faire de l'investissement, puis tu as une personnalité optimiste, va du côté des actions; si tu es un peu plus pessimiste, va du côté des obligations. » Mais je te connais assez bien, toi, Dominic, tu n'es pas une personne pessimiste du tout, je pense. Une personne lucide, curieuse, intéressée, structurée. Regardez : pas besoin d'être quelqu'un de pessimiste pour aller gérer un portefeuille d'obligations!
Dominic : C'est noté!
Ashleay : 100 %, d'accord, Sébastien. Absolument! Messieurs, merci encore pour vos informations, ça a été vraiment intéressant. Alors, merci à tous nos auditeurs aussi et on se revoit la semaine prochaine.
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À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon et Dominic Siciliano
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