Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! Mon nom est Ashleay et cette semaine, je suis accompagnée comme d'habitude par mon collègue stratège en chef Sébastien Mc Mahon. Nous parlerons de la croissance de l'intelligence artificielle et de son impact sur le marché boursier avec Maxime Houde, qui est directeur et gestionnaire de portefeuille en actions thématiques. Alors bonjour, Maxime, bonjour, Sébastien!
Maxime : Bonjour, Ashleay! Bonjour, Sébastien!
Sébastien : Salut Maxime! On t'a invité une deuxième fois, deux semaines en ligne, parce qu'on a bien aimé notre expérience la première fois.
Ashleay : Absolument!
Sébastien : C'est un sujet quand même assez intéressant et on pensait parler un peu de l'effet, ici « de brique et mortier » de l'intelligence artificielle. Donc on dit toujours qu'à un moment donné, ça va être partout, mais pour que ce soit partout, il y a des investissements qu'il faut qu’ils se fassent, il y a des centres de données qu'il faut qu'ils se construisent. Donc si on pouvait regarder un peu tout ça, puis l'infrastructure, mais tout ça nous ramène toujours chez Nvidia. Donc pourrais-tu nous parler peut-être un peu de ce qu'ils font, Nvidia, en ce moment, pour nous préparer à cette transition-là?
Maxime : Oui, absolument. Écoutez, je pense que ça va être intéressant d'aller un petit peu plus dans le détail aujourd'hui. Rapidement, on en a parlé de Nvidia. Nvidia, ils produisent les cartes graphiques, les GPU qui sont vraiment au centre de l'accélération de traitement, si on veut, de puissance de calcul pour l'intelligence artificielle. Donc c'est vraiment la pièce d'équipement la plus importante dans le monde actuellement et c'est eux qui ont la meilleure, je vous dirais. Jusqu'à l'an passé, c'était un monopole. Cette année, on a une nouvelle compagnie, AMD, qui arrive avec un produit également. Mais on peut voir déjà là que ça a grandement affecté la performance de Nvidia. L'an passé, en 2023, le titre a rapporté plus de 240 %. Cette année, on n'a pas encore le premier trimestre de fait, la compagnie est déjà à plus de 80 % à la hausse. Donc ils ont grandement bénéficié de tout ça. Puis en fait, fondamentalement, ce qui se passe, c'est qu'avant, les GPU étaient une petite partie des dépenses des centres de données. Mais depuis l'an passé, ça représente la plus grande partie. Puis en plus de l'accélération des dépenses pour les centres de données, c'est Nvidia qui prend la plus grande partie du gâteau.
Sébastien : Puis, juste en termes économiques, Nvidia, c'est ceux qui font le design de ces processeurs-là. Mais la production, il y a un élément géopolitique aussi intéressant, parce que la production est faite par TSMC qui est une compagnie qui est basée à Taïwan.
Maxime : Exactement, TSMC. En fait, Nvidia, c'est une compagnie qui fait du design, donc elle conçoit le microprocesseur, mais ce n'est pas elle qui le fabrique. La fabrication se fait, comme tu l’as dit, par TSMC, à Taïwan, qui est la seule usine actuellement dans le monde qui est capable de produire un microprocesseur aussi petit, et quand on regarde les transistors, qui est capable de produire ce type de technologie là. Donc, oui, il y a un aspect géopolitique, il n'y a pas juste Nvidia. Donc quand on pense à TSMC, on doit avoir de l'investissement. Les compagnies qui vont créer les machines dans l'usine TSMC bénéficient également de ça. Donc on a vraiment vu, autour de Nvidia, tout le secteur des semi-conducteurs a très bien fait suite à cette avancée technologique là.
Sébastien : Il y a une chaîne de valeur, mais il y a aussi des risques géopolitiques qui s'installent avec des tensions : Chine, Taïwan, États-Unis, tout ça. Je pense que tu m'expliquais que TSMC voulait amener quelques usines aux États-Unis aussi dans les prochaines années.
Maxime : En fait, l'administration Biden est consciente de ce risque-là et il faut comprendre que les semi-conducteurs, d'un point de vue géopolitique, c’est actuellement une des choses les plus importantes dans le monde. Puis, comme on l'a mentionné, TSMC est un risque puisque c'est à Taïwan. La Chine veut rapatrier Taïwan à travers de la Chine, même s'ils le sont théoriquement. Donc l'administration Biden a mis en place un plan fiscal qui s'appelle le CHIPS Act qui vise à promouvoir la création d'usines aux États-Unis. Donc TSMC devrait ramener une usine aux États-Unis. Puis on a Intel, qui est aussi une compagnie de fabrication de microprocesseurs qui est déjà installée aux États-Unis. Donc le but est d'éliminer ce risque géopolitique là et de rapatrier la chaîne d'approvisionnement des semi-conducteurs.
Sébastien : Aussi, c'est des conversations qu'on avait eues avant l'enregistrement ici, mais tu disais que même si on amène des usines aux États-Unis, on est rendu tellement petit en termes de transistors. Les derniers produits annoncés sur un processeur, on parle de 280 milliards de transistors, donc ce n'est pas parce que l’on construit des usines aux États-Unis que nécessairement le même standard de qualité et la même productivité vont être atteints rapidement. Il y a quelque chose de particulier avec les usines qui sont installées à Taïwan.
Maxime : Absolument. L'écosystème de Taïwan et de TSMC est très particulier. On parle même du niveau d'humidité dans l'air de Taïwan qui pourrait faire en sorte que l'usine, on devrait la créer en Arizona. Et on n'est pas certain qu'on va être capable de reproduire ce niveau-là pour atteindre ce qu'on appelle la fine pointe de la technologie. Donc on est rendu à deux nanomètres en termes de création, donc on est au niveau atomique. Donc il faut comprendre que tout l'environnement, tout doit être parfait pour qu'on soit capable de faire ça. Donc ce n'est pas fait, puis ça va prendre du temps à créer cette usine-là.
Sébastien : Puis pour investir aussi massivement, pour que l'intelligence artificielle un jour soit partout, ça va prendre plusieurs centres de données partout dans le monde, avec des investissements massifs. Cela fait qu’il y a des investissements économiques réels : il faut les bâtir, ces centres de données là.
Maxime : Absolument. Puis c'est là que ça devient intéressant! Si on rentre un petit peu dans le détail, ce qu'on est en train de vivre, c'est une révolution de l'architecture des centres de données où on avait une architecture un peu standard, puis là, on doit prendre un virage vers l'informatique avancée, donc vraiment plus axée sur l'intelligence artificielle. Ça implique qu’on va avoir beaucoup plus de GPU que de CPU dans les centres de données. Par la suite, ce qu'il faut comprendre de manière tangible, un GPU produit pratiquement cinq fois plus de chaleur qu'un CPU. Donc on a un problème de gestion de la température. On doit revoir nos systèmes de gestion de température. On a deux opportunités de ce côté-là qu'on est en train de voir : on peut mettre des systèmes d'air conditionné, mais ce n'est pas assez efficace. Donc la nouvelle technologie, c'est ce qu'on appelle du refroidissement liquide, donc avec de l'azote. Donc on voit une révolution de ce côté-là où pour ces compagnies-là, ce n'était pas quelque chose qu'on faisait dans le passé puis on va être obligé de faire maintenant. Après ça, il faut comprendre qu'on a une demande énergétique grandissante puisqu'un GPU demande beaucoup plus d'énergie qu'un CPU. Donc les compagnies qui sont impactées par le système électrique, on peut penser à Eaton, à Vertiv, à Atkore, plusieurs compagnies dans le secteur industriel – non technologique, industriel – qui vont grandement bénéficier de ça. Par la suite, comme tu l'as mentionné, il faut créer plusieurs nouveaux centres de données. Donc le secteur manufacturier aux États-Unis va bénéficier de ça. Donc, on voit vraiment une expansion dans plusieurs secteurs de l'économie, puis ça, c'est seulement quelques exemples, mais ça va avoir beaucoup d'impact à la grandeur du système économique.
Sébastien : Puis il y a des facteurs ESG là-dedans, parce qu'au point de vue énergétique, on parle de décarbonation de l'économie. Si on a besoin de plus d'énergie, il faut la produire. Chez nous, au Québec, on parle beaucoup d'hydroélectricité. Mais du côté américain, il y a plusieurs endroits encore où le charbon et le gaz sont assez importants dans la production.
Maxime : Absolument. Puis un point très intéressant, c'est qu'actuellement, on sait que le système électrique aux États-Unis est désuet. On doit le revoir. Puis avec la demande énergétique des centres de données, on estime que la demande en énergie va doubler sur les cinq prochaines années.
Ashleay : Oh, wow!
Maxime : Donc, c'est énorme. Puis on n'est pas capable de remplir cette demande-là. Une chose intéressante qu'on a vue, pour faire un lien avec l'énergie renouvelable, c'est qu'il y a quelques semaines, avant qu'on enregistre ce balado-là, Amazon a signé une entente avec une compagnie d'énergie nucléaire. Ils ont acheté un centre de données qui va être à côté de l'usine nucléaire, puis ils vont être capables de s'alimenter directement sur l'énergie nucléaire. Donc, on voit un peu une renaissance de l'énergie nucléaire actuellement, puis ce qui est intéressant, ça rentre dans un point de vue ESG, énergie renouvelable. Puis c'est un système d'énergie qui est en continu, qui n'a pas d'interruption, donc c'est parfait pour les nouveaux centres de données. Donc on voit vraiment une demande grandissante de ce côté-là.
Sébastien : On parle d'électrification des transports depuis longtemps, ce qui va demander beaucoup plus d'électricité. Là, on parle de l'IA qui va probablement être au-devant, parce que la société à tous les niveaux va bénéficier de l'arrivée de l'intelligence artificielle. Donc, investir dans l'innovation en termes de production d'électricité propre, ça devient un thème d'investissement qui a toujours été important, mais qui commence à gagner en importance davantage.
Maxime : Exactement. C'est très intéressant parce qu'on a eu beaucoup de mesures fiscales dans cette direction-là, pour faciliter la transition énergétique. Puis là, on a vraiment une deuxième vague qui arrive dans ce créneau-là avec les centres de données qui ont un besoin grandissant d'énergie, puis on va viser à avoir de l'énergie renouvelable. Donc, je dirais que c'est un peu, encore une fois, on a deux grands thèmes importants qui vont vraiment se rallier l'un avec l'autre et qui devraient propulser, je dirais, la croissance des deux ensemble de ce côté-là. Donc, on est à la croisée des chemins. C'est très intéressant.
Ashleay : Maxime, des fois, les gens ont peur justement d'une perte d'emplois potentiels, ont peur d'être remplacés par l'IA. Mais là, comme tu discutais, ce n'était pas tout à fait le cas. Est-ce que tu peux nous en parler un peu plus, du marché de l'emploi?
Maxime : Oui, absolument. Écoutez, il y a plusieurs études qui sont sorties déjà, là. Une étude intéressante : Goldman Sachs, la banque américaine, a fait une estimation. Ils s'attendent à avoir 300 millions d'emplois à travers le monde qui pourraient être automatisés par l'intelligence artificielle. Ça paraît énorme, ça peut faire peur. Mais ce qu'il faut comprendre, c’est que si on regarde dans le passé, chaque grand changement technologique qui a créé des pertes d'emplois a généralement, à travers le temps, créé plus d'emplois qu’il en a fait diminuer. Donc je ne suis pas très inquiet de ce côté-là. L'autre chose qui est intéressante, c'est quand on pense à remplacer certains postes qui sont très répétitifs, il faut comprendre que ça peut amener un gain de productivité. Généralement, ces changements technologiques là amènent un gain de productivité. Ce n'est pas immédiat, mais encore une fois l’estimation de Goldman Sachs, si on a une forte adoption, on pourrait avoir une croissance du PIB des États-Unis de 1 % de ce côté-là. Donc c'est très prometteur pour la croissance économique future, l'adoption de l'intelligence artificielle. C'est pourquoi on voit actuellement une course à l'adoption qui me fait penser à la course à l'espace qu'on a eu dans le passé. Tout le monde veut investir parce qu'on voit un bénéfice à ça.
Sébastien : Puis ces grandes révolutions là, ça transforme l'économie. Dans les pays développés où on a automatisé beaucoup des tâches manufacturières, ça a créé plus d'emplois que ça en a détruits, mais c'est des emplois différents. Donc il y a toujours des enjeux d'inégalité, il y a toujours des enjeux de répartition de cette richesse-là dans la société. On en a parlé dans un épisode récent, donc on peut aller l'écouter, mais les impacts économiques aujourd'hui – c'est intéressant, ce dont tu nous as parlé – il y a des limites un peu technologiques à tout ça. Il y a des limites, il y a des éléments géopolitiques qui peuvent être liés. Il y a des investissements dans la brique et le mortier, des vrais centres de données, des besoins énergétiques. Donc avant d'avoir tous les bénéfices qu'on peut imaginer de l'intelligence artificielle, il faut quand même passer à travers ces phases d'investissement là, de construction de la révolution. Donc, on est dans une époque qui est assez cruciale, je dirais, pour la suite des choses, au point de vue économique.
Ashleay : Oui, c'est assez fascinant. Merci à vous deux, messieurs, d'avoir expliqué tout cet historique et ce phénomène qui est l'intelligence artificielle. On remercie également nos auditeurs et auditrices, puis n'hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions. On se dit à la semaine prochaine. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.
À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon et Maxime Houde
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