Le point sur l’économie et les marchés à l’été 2024

À la lumière des soubresauts estivaux des marchés, devrait-on remettre en question le soi-disant exceptionnalisme de l’économie américaine? Par ailleurs, quel est le scénario envisagé au Canada et aux États-Unis pour les prochaines baisses de taux? Sébastien Mc Mahon commente l’actualité économique récente et met la table pour les prochains feux d’artifice de l’automne.

Sébastien : Bonjour et bienvenue au balado À vos intérêts! Mon nom est Sébastien Mc Mahon et cette semaine, j'animerai seul l'épisode du balado pour laisser à notre amie Ashleay le soin de profiter de ses vacances. L'été 2024 s'est avéré quand même assez volatil sur les marchés. Il y a une trame de fond d'inquiétude envers la résilience de l'économie américaine. On a eu des baisses de taux directeur au Canada, on a des chiffres d'inflation qui pointent vers d'autres baisses. Donc, prenons le temps aujourd'hui de recadrer un peu le contexte, puis de partager nos vues envers la suite des choses pour la première économie de la planète, donc l'économie américaine, les marchés financiers, l'économie canadienne, les taux d'intérêt, donc on va regarder tout ça ensemble.

On pourrait peut-être commencer par l'économie américaine. On peut se poser la question si tout d'un coup, l'économie américaine est devenue « pas si exceptionnelle ». C'est un terme qui était apparu dans les marchés puis chez des économistes au cours des dernières années, le terme de l'exceptionnalisme américain, qui est une espèce de terme fourre-tout qui expliquait pourquoi le gouvernement américain était capable de continuer de faire croître sa dette. Pourquoi aussi le marché boursier américain avait une valorisation plus élevée qu'ailleurs et je dirais même avec les Jeux olympiques qu'on a eu cet été, ça semblait confirmer l'exceptionnalisme américain avec une autre domination des Américains au point de vue des Jeux d'été. Mais quand on regarde les marchés cet été, on a vu une espèce de soubresaut arriver au début du mois d'août qui a fait sourciller plusieurs investisseurs. Ça a été de courte durée. Il n'y a rien qui dit qu'on n'aura pas d'autres épisodes de volatilité sur les marchés d'ici la fin de l'été ou dans les prochains mois. Mais ce qui s'est passé au début du mois d'août, avec un environnement peu liquide, le mois d'août, généralement, c'est un mois où on a beaucoup d'investisseurs qui sont sur les lignes de côté, qui sont en vacances. Donc, quand il y a des événements macroéconomiques qui arrivent, ça peut créer un peu plus de volatilité que dans d'autres mois de l'année.

Il y avait aussi une situation avec ce qui se passe au Japon. Le taux d'intérêt du côté de la Banque du Japon est plus bas qu'ailleurs. La Banque du Japon commence à monter son taux d'intérêt. Ça a fait en sorte qu'on a eu des transactions qui se sont renversées au point de vue des investisseurs institutionnels. On avait tendance à emprunter au Japon pas cher, avec un taux d'intérêt faible, pour aller investir ailleurs dans le monde. Quand les taux augmentent, bien sûr, ces positions-là doivent se rembobiner. Donc, vous savez, si on met tout ça ensemble, ça nous a donné un mois d'août qui était assez volatil et assez mouvementé.

Maintenant, on approche de la fin du mois d'août. Ce qu'on voit, c'est que les marchés anticipent quatre baisses de 25 points de base par la Réserve fédérale américaine. Mais il reste seulement trois dates de décision d'ici la fin de l'année. Donc, les marchés sont en train de dire que peut-être que la Réserve fédérale est en retard. Peut-être qu'il va falloir qu'elle commence à baisser son taux directeur de façon assez précipitée et peut-être même baisser de 50 points de base. Donc une baisse double au mois de septembre, ce qui est quand même un gros changement versus les deux baisses au total qui étaient attendues pour toute cette année au mois de juin. Je vous dirais que nous, nous ne sommes pas vraiment dans le camp de penser que la Réserve fédérale va arriver avec une baisse double en septembre. Ça donnerait plus une impression de panique du côté de la Réserve fédérale. On pense qu'on va y aller avec des baisses progressives à partir d'ici. Par contre, on va avoir une baisse probablement le 18 septembre du côté de la Réserve fédérale américaine. Après ça, une autre en novembre, puis une autre en décembre, donc trois baisses d'ici la fin de l'année.

Donc, qu'est-ce qui s'est passé? Qu'est-ce qui a changé vraiment dans l'économie américaine au cours des derniers mois pour que même nous, on change d'avis? On était d'avis qu'il y aurait probablement zéro ou peut-être une baisse d'ici la fin de l'année. Maintenant, on pense qu'il y en a trois qui s'en viennent. On va regarder ça ensemble, puis je vous dirais que la clé, c'est le marché du travail américain, et puis les risques de récession, généralement, sont mesurés par la tenue du marché du travail.

Donc, quand on regarde le marché du travail du côté américain, on continue de voir de la résilience. Oui, il y a des peurs de récession qui sont autour de nous depuis même quelques années. Je vous dirais que même en 2021 et 2022, notre équipe et moi étions du camp que les risques de récession étaient assez élevés du côté américain. Finalement, l'économie américaine a eu une meilleure tenue qu'attendu. Elle nous a fait mentir. Maintenant, quand on regarde les chiffres, on n'a pas l'impression qu'on est devant une économie qui est récessionniste. On pense que les chances sont même assez faibles d'avoir une récession.

Quand on regarde le marché du travail, on voit que les postes qui sont ouverts et non comblés du côté américain, ça continue de baisser, mais c'est tout à fait normal. On voit une économie américaine qui se normalise. Ce qui est intéressant, c'est que le nombre d'emplois qui sont ouverts et non comblés en ce moment demeure supérieur au nombre de chômeurs dans l'économie américaine. Même l'écart entre les deux est de 1,4 million. Ça veut dire que si on trouvait un emploi à tous les chômeurs américains, il nous resterait encore 1,4 million de postes à combler. Aussi, il y a le taux de démission, donc le pourcentage des gens qui décident de quitter leur emploi sans nécessairement avoir un autre emploi en vue tout de suite après, qui est en train de baisser, mais qui demeure à un niveau élevé sur tendance historique. Donc le marché du travail, qui était très serré dans la période post-COVID, est en train de se normaliser progressivement et c'est une bonne chose. Ça ne veut pas dire nécessairement que les risques de récession augmentent. Ça veut juste dire que l'économie, comme je le disais il y a quelques minutes, se normalise.

Un autre indicateur aussi, c’est la croissance des salaires, qui ralentit de façon assez abrupte, mais demeure à des niveaux élevés. Donc l'effet richesse, la capacité, le pouvoir d'achat des ménages américains demeure enviable. Donc oui, encore une fois, on se normalise, les risques de récession demeurent faibles.

Pourquoi est-ce que je parle autant de risque de récession? C'est que cet été, le taux de chômage a continué d'augmenter dans l'économie américaine. Puis il a augmenté suffisamment pour déclencher une espèce de règle que la profession économique regarde, qui est la règle de Sahm. Ça, c'est le nom de famille de Claudia Sahm, qui est une économiste qui est reconnue et qui a proposé une règle qui montre que quand le taux de chômage augmente assez et qu’il augmente assez rapidement, bien les risques de récession deviennent assez élevés. Puis cette règle-là s'est déclenchée cet été. Mais quand on regarde en dessous du capot, on voit qu'il y a beaucoup d'immigration du côté américain dans les derniers mois, dernières années. Un peu comme l'économie canadienne. Et puis les gens reviennent vers le marché du travail, donc la population active augmente. Le nombre de personnes qui recherchent un emploi augmente.

Puis, ça fait monter le taux de chômage, mais entre guillemets, pour de « bonnes raisons ». Donc on aurait tendance à faire attention en disant que, probablement, les risques de récession sont entre 25 et 35 %. Donc je vous dirais que c’est à peu près en lien avec la moyenne de long terme, peut-être un petit peu plus élevé que la moyenne de long terme, mais quand même, on ne parle pas d'un risque de récession de 50 % et plus. On voit l'économie encore une fois qui se normalise. Et puis cette normalisation, ça peut faire sourciller certains observateurs qui peuvent être inquiets de tout signe de ralentissement de l'économie américaine. Mais je vous dirais que de notre côté, on n'est pas vraiment inquiets par ce qu'on voit ici.

Si je vais du côté canadien, il y a des choses intéressantes qui se sont passées encore cet été, je vous dirais. On a eu une première baisse au début du mois de juin. On a eu une deuxième baisse du taux directeur de la Banque du Canada en juillet. Et puis là, maintenant, on regarde les chiffres d'inflation et on voit que le progrès continue d'être assez évident et assez convaincant. Ça fait sept mois consécutifs que l'inflation est dans la cible de 1 à 3 %, la cible de la Banque du Canada. On dit toujours que la cible est 2, mais en fait c'est une fourchette entre 1 et 3. 2 %, c'est le point milieu. Ça fait sept mois consécutifs qu'on est là. Puis même, on peut commencer à se poser la question : « Est-ce que l'inflation baisse trop vite au Canada? » Donc on a changé le discours de façon assez abrupte au cours des derniers mois.

Puis quand je dis qu’on se pose cette question-là, même la Banque du Canada se la pose elle-même. Dans le dernier résumé des délibérations de la Banque, un document qui est publié – il y a quelqu'un qui prend des notes pendant la rencontre dans laquelle le comité de gouverneurs décide de si on va baisser ou hausser le taux directeur ou si on va garder le statu quo – dans ces notes-là de la dernière décision où on avait décidé de baisser le taux directeur à 4,5 % en juillet, il y avait une note qui montrait que les gens assis autour de la table se disaient peut-être que l'inflation, il y a un danger qu’elle baisse trop rapidement parce que l'économie canadienne est dans un état relativement fragile. Puis quand on dit dans un état fragile, bien, la Banque du Canada a ses propres sondages, puis dans ses sondages auprès des entreprises, on voit que les anticipations envers les ventes sont à des niveaux relativement faibles.

Mais ce qui est très surprenant, c'est que la fameuse pénurie de main-d'œuvre, dont on parlait beaucoup avant la pandémie, mais surtout pendant la pandémie, maintenant, ça s'est renversé. Puis les graphiques sont toujours assez surprenants : on voit que les entreprises maintenant voient exactement l'inverse d'une pénurie sévère. On voit un surplus sévère de main-d'œuvre. Ou en d'autres termes, quand on pose la question aux entreprises : « Est-ce que vous pensez que vous allez avoir besoin d'embaucher des gens pour répondre à la demande? », la réponse est fortement négative. Donc, ce que ça veut dire, c'est que les entreprises voient moins de ventes devant elles. Il y a moins de pressions salariales qui s'en viennent aussi. Donc tout ça, ça pointe vers une inflation qui continue de ralentir.

Donc nous anticipons, puis je vous dirais que le marché a tendance à être d'accord avec nous, qu'on va avoir des baisses du taux directeur à chacune des décisions d'ici fin janvier 2025. C'est juste qu’on a des données de marché qui sont assez crédibles pour voir ce que le marché anticipe en ce moment. Donc en clair, des baisses le 4 septembre, le 23 octobre, le 11 décembre, puis aussi le 29 janvier 2025. Ça nous amènerait avec un taux directeur de 3,5 % à la fin du mois de janvier. Donc il n'y a pas de certitudes ici, mais je vous dirais que c'est notre scénario de base. Puis après ça, à la fin de l'année 2025, on pourrait être à peu près à 2,75 % sur le taux directeur, qui est le taux neutre.

Puis le taux neutre, ça, c'est important, c'est la Banque du Canada qui l’estime. Le taux neutre, c'est le taux auquel la politique monétaire n'est ni un frein pour l'économie ni un vent de dos. C'est simplement neutre. Donc, tant et aussi longtemps qu'on est au-dessus de 2,75, la politique monétaire est restrictive. Donc, probablement qu'on va se rendre vers une politique monétaire neutre au cours des 12 à 16 prochains mois.

Donc si on regarde tout ça en bref, je vous dirais qu'il y a de la volatilité sur les marchés. C'est normal, ça faisait longtemps qu'on n’en avait pas vu. Mais cet été, on a une volatilité qui a été assez forte pendant quelques jours. Maintenant, les marchés, ils ont rebondi, ils ont regagné tout ce qu'ils avaient perdu, en date d'aujourd'hui. Quand je regarde la date, on arrive vers la fin du mois d'août, il n’y a rien qui dit qu'on ne peut pas avoir encore de volatilité cet automne, mais l'épisode semble avoir été contenu.

Les peurs d'une récession américaine, selon nous, étaient exagérées. On pense que l'économie américaine va bien. La Réserve fédérale va pouvoir commencer à baisser son taux directeur de façon régulière à partir du mois de septembre. Puis du côté de l'économie canadienne, on a déjà deux baisses de faites. Mais après ça, ne vous surprenez pas si le rythme demeure soutenu au Canada pour d'autres baisses du taux directeur.

Donc, c'est un survol de la situation économique en date du mois d'août 2024. On a eu un été assez chargé et il faut s'attendre à avoir encore des feux d'artifice cet automne avec les élections américaines. C'est ainsi que se termine cet épisode. Un gros merci à nos auditeurs et à nos auditrices. N'hésitez pas à nous écrire si vous avez des questions et on se reparle la semaine prochaine.

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À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

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