Ashleay : Bonjour et bienvenue au balado À vos intérêts! où nous allons plonger à la rencontre entre le monde du développement durable et celui de l'assurance. Alors, comme à l'habitude, je suis accompagnée de mon collègue Sébastien Mc Mahon, économiste sénior, et aujourd'hui de Mégane Mandruzzato, qui se joint à nous à titre d'experte. Elle est chef de pratique en développement durable chez iA. Alors, bonjour Mégane.
Mégane : Bonjour Ashleay, bonjour Sébastien. Merci beaucoup de m'accueillir.
Sébastien : Bonjour Mégane, c'est un plaisir de t'avoir avec nous aujourd'hui.
Ashleay : Puis, Mégane, on entend de plus en plus parler de la durabilité, ou du développement durable. Est-ce que tu pourrais nous l'expliquer?
Mégane : Oui, bien sûr, avec plaisir. Donc, déjà, ce qu'il faut savoir, c'est que la majorité des compagnies vont parler aussi bien de développement durable que de durabilité ou, encore, de responsabilité sociale de l'entreprise. Ce sont tous des synonymes qu'on peut utiliser. La durabilité, c'est un outil d'aide à la décision. Donc, ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut prendre la meilleure décision possible en considérant les générations futures et donc créer un impact positif. Souvent, on va aussi entendre parler des facteurs ESG, donc les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. C'est un outil qui a été développé pour être capable de rendre la durabilité, qui est un thème souvent large et abstrait, beaucoup plus concret. Donc, avec ces facteurs-là, on est capable de mesurer la performance en durabilité et donc de mitiger aussi les risques qu’il pourrait y avoir.
Sébastien : On parlait de ESG pendant longtemps, maintenant on entend un peu plus parler d’EDI, soit d’équité, de diversité et d’inclusion. Est-ce qu'on parle de la même chose?
Mégane : Alors, non, ce sont deux choses différentes. En fait, l'équité, la diversité et l'inclusion, c'est un volet qu'on va traiter dans le volet social du ESG. Donc, une entreprise qui va incorporer des bons comportements ou des programmes de EDI va répondre à une partie en durabilité, mais ce n'est qu'une petite bouchée parmi l'ensemble du développement durable qu'on peut faire.
Sébastien : C'est une facette du développement durable?
Mégane : Exactement.
Ashleay : Puis pourquoi est-ce que c'est important le développement durable? J'ai une idée, mais je vais te laisser l'expliquer.
Mégane : Oui, bien sûr. En fait, c'est important parce que, comme je le disais, c'est un outil d'aide à la décision. Donc, ce qu'on veut mesurer, c'est à beaucoup plus long terme, ça va être quoi, les impacts qu'on va créer? À partir du moment où il va y avoir des conséquences négatives, bien, on vient peut-être réduire soit notre rendement, soit notre l'impact qu'on peut créer dans les communautés, dans la société, pour nos employés, etc. Donc, on veut avoir cette vision à plus long terme. Je lisais une récente étude de Harvard qui disait qu'une compagnie qui va intégrer le développement durable dans son organisation va générer un profit de quasiment 45 % supérieur sur 20 ans à celui d’une entreprise qui ne le fait pas. Donc, on le voit vraiment, là, on est sur 20 ans; on est vraiment sur du plus long terme.
Sébastien : Puis, peut-être pour les investisseurs qui nous écoutent, est-ce que tu as une idée de ce qu’on regarde exactement dans ces études-là? Quand on regarde si une entreprise se classe de façon élevée en développement durable, c'est quelle variable généralement que les gens regardent?
Mégane : Il y a énormément de variables. En moyenne, les analystes peuvent regarder jusqu'à quasiment 150 critères différents au niveau ESG. Si on prend le volet social, on va par exemple regarder le taux de roulement, donc le temps de roulement d'année en année, les employés qui vont quitter l'entreprise. Ça génère des pertes pour l'entreprise parce qu'elle va devoir reformer ses employés. Elle va également devoir payer davantage en développement, en formation, la préparer, etc. Donc tout ça, c'est des coûts versus si son taux de roulement est bas et que ses employés sont engagés, mobilisés, qu’ils restent à long terme dans la compagnie, bien on va plus facilement avoir un retour sur investissement à ce niveau-là. Donc, c'est vraiment un exemple, mais on peut aller regarder beaucoup de critères.
Sébastien : Comme l'empreinte carbone, les programmes de formation à l'intérieur de la compagnie, le pourcentage de femmes comme directrices; c'est toutes ces mesures-là dont on entend parler, qui viennent impacter la performance des entreprises à long terme, et c'est démontré.
Mégane : Exactement. Puis tu donnais l'exemple de l'empreinte carbone. C'est le critère dont on entend le plus parler aujourd'hui. Quand on parle du volet environnement, c'est beaucoup les changements climatiques qui sont considérés. On entend ces dernières années de plus en plus l'importance que prend la biodiversité, mais je dirais que les critères ne sont pas encore très développés. C'est en cours et on peut s'attendre à ce que dans les années futures, on en voit davantage. Mais c'est en train de se faire.
Sébastien : Puis quand on parle à des gestionnaires de portefeuilles aussi, comme mes collègues chez iA, on dit que les entreprises peut-être, aujourd'hui, ne sont pas nécessairement des bons citoyens corporatifs, mais investissent beaucoup d'actions et d'argent pour devenir des meilleurs citoyens corporatifs. Ça aussi, c'est bien vu par les marchés. Donc, il n'y a pas juste où on est aujourd'hui. C'est la volonté d'être meilleur qui peut avoir un impact aussi sur les rendements boursiers.
Mégane : Exactement.
Ashleay : Puis quel est le lien avec le contexte de l'assurance et pourquoi est-ce que c'est important?
Mégane : Bien sûr. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un assureur, son modèle d'affaires comporte à peu près deux grands rôles principaux. Le premier rôle, c'est que c'est un gestionnaire de risques. Le deuxième rôle, c'est d'être un investisseur institutionnel. Donc, le client qui va avoir son assurance, il va payer des primes à chaque mois. Ces primes-là sont réinvesties dans l'économie, dans le système financier, et on veut s'assurer d'avoir un retour sur investissement pour être capable de payer une fois que le client aura un besoin quelconque auquel il faut répondre. Donc, ces deux rôles-là font en sorte qu'un assureur est obligé d'avoir une visibilité à long terme, d'avoir des objectifs à long terme, puis d'être capable de mesurer, justement, d'être prêt finalement dans le futur. Donc, l'intégration du développement durable se fait assez naturellement en fait. Ça ne veut pas dire que tous les assureurs l'intègrent de la bonne façon, mais c'est assez naturel de dire qu'il y a des liens entre la durabilité et le secteur de l'assurance.
Ashleay : Puis, dans les facteurs ESG dont tu parles, tu mentionnes l'environnement. Est-ce que tu peux nous décrire les impacts des changements climatiques sur le secteur de l'assurance?
Mégane : Oui, bien sûr. Donc, une des conséquences qu'il peut y avoir des changements climatiques, ça va être, par exemple, l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes. Donc, bien sûr, on va voir de plus en plus d'accidents de voitures, par exemple, dus aux glaces, différents dommages qu'il peut y avoir en raison de pluies torrentielles, etc. Il peut y avoir aussi d'autres exemples. Si on pense, par exemple, à un monsieur, une madame qui habite au bord d'une côte, les changements climatiques vont augmenter la probabilité d'avoir des virus qui sont dus, par exemple, à l'érosion côtière. Bien, ça, ça va avoir des conséquences sur notre santé. Ça va aussi avoir des conséquences sur notre santé mentale, par exemple. On va développer beaucoup plus d'anxiété, différents troubles psychiques. Donc, à ce moment-là, l'assureur, c'est important qu'il intègre ces éléments-là dans ses produits d'assurance et services, puis qu'il soit capable de bien répondre à ces besoins, qui seront grandissants dans le futur.
Ashleay : Ok, c'est super. Puis, dans le ESG, le S réfère au terme social. C'est quoi le lien, encore là, avec le secteur de l'assurance?
Mégane : Oui, exactement. Sébastien, tu mentionnais tout à l'heure l’EDI. Donc, c'est un exemple. On va vouloir être de plus en plus inclusif, on a beaucoup de parties prenantes. Donc, comment est-ce qu'on peut s'assurer de créer un environnement qui va être inclusif pour tous? On parle aussi bien des employés d'une compagnie, justement dans les assurances. Je vais donner un exemple. On pourrait avoir une forte population qui est immigrante, on ne parle pas la même langue. Donc, comment est-ce qu'on va s'assurer que cette population-là soit capable de bien comprendre tous les éléments, qu'elle soit capable de lire toutes les clauses pour être bien couverte, finalement? Donc ça, c'est un exemple, mais l'inclusion peut aller bien au-delà. On peut parler aussi de l'impact communautaire qu'on peut avoir. Donc, comment est-ce qu'on peut améliorer les connaissances, par la littératie financière, par exemple, de notre société, de la communauté qui nous entoure?
Sébastien : Puis, comme institution financière, c'est important aussi d’aller servir les communautés où elles sont. S’il y a des communautés qui sont loin, dans le nord du Québec par exemple; il faut s'assurer de pouvoir leur donner aussi accès à des services financiers auxquels les gens des métropoles ont accès.
Mégane : Tout à fait. Exactement. Puis, j'ai souvent un exemple qui me vient en tête. On va dire qu'on va vouloir tout rendre en virtuel ou par Internet pour limiter l'impact environnemental. Mais c'est toujours important de pouvoir laisser la possibilité au client. Il y a des clients qui n'ont pas accès à Internet parce qu'ils sont justement mal desservis. Mais ça peut être aussi parce que, tout simplement, leur tranche d'âge ne les a pas formés aux nouvelles technologies. Donc, de garder toujours une possibilité pour ces clients-là, par exemple de recevoir leur contrat en papier. Ça reste quand même important. Donc, c'est toujours de, vraiment là, on le voit, c'est de considérer, oui, l'environnement, mais aussi la société : où est-ce qu'elle est rendue, puis qu'est-ce qu'on peut lui offrir?
Ashleay : Absolument.
Sébastien : Puis, les assureurs, comme compagnies de taille, d'importance, ont un rôle social à jouer. D'où la présence de la philanthropie. Donc, que les compagnies s'impliquent dans la communauté locale, ça a une importance majeure.
Mégane : Oui, puis justement, à titre de grandes compagnies, si on encourage nos employés à prendre action, chacun de ces employés-là peut avoir un impact dans sa propre société. Donc, de développer cette culture-là dans l'organisation, ça peut juste permettre de faire un effet boule de neige vraiment positif à l'externe.
Ashleay : Absolument. Puis quant au G de gouvernance, le lien paraît moins évident un petit peu avec la durabilité puis l'assurance. Est-ce que tu peux nous éclairer un peu?
Mégane : Oui, la gouvernance, moi j'aime ça dire souvent que c'est un petit peu comme les fondations de l'entreprise. C'est sur quoi va reposer finalement toute la façon d'agir, les prises de décisions qu'on va prendre, etc. J’en ai parlé un petit peu plus tôt : un assureur, c'est un gestionnaire de risques. Donc, la gestion de risques a un impact qui est vraiment important à considérer dans l'organisation. Les clients nous font confiance et vont nous transmettre beaucoup d'informations personnelles, confidentielles. Donc, comment est-ce qu'on va gérer, par exemple, toutes ces données-là? Donc, on va parler de la sécurité de la donnée. On est au XXIᵉ siècle. La cybersécurité, c'est un élément fondamental qu'on doit absolument considérer. Donc, comment on va former les employés, mais aussi donner les bonnes pratiques à nos clients pour justement être capables de faire face et de limiter finalement ces risques de cybersécurité. Il y a un autre aspect aussi qui peut être intéressant dans la gouvernance, c'est tout ce qui est les communications. En tant qu'assureur, c'est vraiment important d'avoir des communications qui vont être claires, qui vont être transparentes. Et, donc, par exemple, à titre de client, on peut consulter tous les documents de la compagnie qui sont publics. Donc, on peut parler de la circulaire d'information qui est publiée une fois par année, on peut parler des rapports de durabilité justement, ou des rapports financiers. Ce sont tous des éléments qui sont mis à la disposition de tous les clients et qui peuvent être consultés justement pour mieux en savoir sur la gouvernance d'une entreprise.
Sébastien : Puis, généralement, on sait que pour qu'une entreprise soit efficace sur l'aspect environnemental et social, la gouvernance, on la met en dernier. C'est probablement le plus important pour que tout le reste en découle naturellement.
Mégane : Oui, puis il y a un élément aussi de conformité, je dirais. C'est peut-être pour ça aussi qu'on la voit un petit peu moins la gouvernance; le fait qu'il y a beaucoup de législations et de réglementations auxquelles on doit se conformer. C'est quelque chose qui est naturellement souvent mature dans les compagnies versus les volets environnemental et social, qui sont davantage volontaires dans une compagnie. Mais c'est là où on va voir la différence entre les deux, puis l'importance de pouvoir travailler peut-être plus sur l'un que sur l'autre. Mais les trois ont vraiment leur importance et c'est vraiment de trouver le parfait équilibre entre ces trois volets-là, pour pouvoir générer du profit et du rendement, ce qui est très important.
Ashleay : Et pour certains de nos auditeurs et auditrices, c'est peut-être une nouveauté. Qu'est-ce qui t'a amenée à choisir la finance durable?
Mégane : Excellente question, Ashley. Merci beaucoup. D'abord et avant tout, c'était mes convictions, mes valeurs personnelles. Donc, tout au long de mon parcours scolaire, j'ai cherché autant de cours que je pouvais faire, des stages. Je me suis vraiment renseignée comme ça, petit à petit. Il n'existait pas de programmes vraiment tracés. Par la suite, j'ai décidé de faire une maîtrise. Là, j'ai pu adapter le sujet à mon contexte, à moi, ce qui m'intéressait. Donc, je me suis renseignée sur les assureurs, comment ils intègrent la durabilité en Europe, qui est un marché un petit peu plus mature. Donc, naturellement, j'ai fait un cheminement qui est allé vers la finance durable parce que je suis convaincue que c'est le système économique qui a la capacité de pouvoir transformer, changer le monde et, je l'espère, de manière favorable. Donc, c'était vraiment mon intérêt personnel qui m'a emmenée ici. Mais là, on a vraiment des belles discussions et je suis vraiment contente. Merci beaucoup. Sébastien, je serais quand même curieuse de savoir, tu sais, avec la discussion qu'on a, qu'est-ce que ça t'inspire?
Sébastien : Bien, ça inspire beaucoup de choses et je vais prendre ici le chapeau de gestionnaire de portefeuilles. Pour parler des investissements dans le concret, en fait, ça m'inspire l'idée qu'une compagnie se doit d'être un citoyen responsable. Peu importe. La compagnie œuvre dans ce qu'elle offre, dans un domaine où c'est facile d'être un citoyen responsable ou où c'est plus difficile, comme, par exemple, les compagnies qui produisent de l'énergie fossile, de l'essence, du pétrole. Si on disait demain matin qu’on n'en veut plus parce que ça pollue, vos autos ne rouleraient plus, puis la société ne fonctionnerait plus. Donc, comment est-ce que, comme investisseur, on peut avoir un impact? Parce qu'un investisseur, un détenteur d'actions, a le droit de vote envers une compagnie. Ça peut faire changer le cours des choses; imposer. Je pense qu'on peut dire ce mot-là : « imposer » aux entreprises de se doter d'une gouvernance qui tient compte de ces enjeux-là pour être responsable au point de vue environnemental et social, pour faire en sorte que, collectivement, on fait de mieux en mieux. C'est ce que tu disais au tout début : faire la bonne chose, de la bonne façon. Peut-être que je te paraphrase mal, mais faire la bonne chose, de la bonne façon. Si les investisseurs ne jouent pas leur rôle, bien, les entreprises vont courir après le profit, puis ce n’est pas grave si elles polluent plus que la compagnie d'à côté. Donc, ce dont on a besoin, c'est de sensibiliser les entreprises. Comme investisseur, on a cette responsabilité-là. Donc, c'est un peu pour fermer la boucle de l'investissement. Quand on achète une action, ce n’est pas juste pour bénéficier des cours boursiers; on est propriétaire de la compagnie, on peut avoir un impact dans le monde.
À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon et Mégane Mandruzzato
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