Comprenez le comportement des consommateurs nord-américains

Notre plus récent épisode de balado vous plonge dans le comportement des consommateurs en Amérique du Nord. Nous avons reçu l’invité expert Marc Gagnon, et explorons les dernières tendances en matière de consommation, les stratégies d'achat et les comportements d'achat qui façonnent l'industrie du commerce de détail dans cette région.

Ashleay : Bonjour à tous et à toutes. Je suis Ashleay, votre animatrice, et avec moi j'ai mon collègue Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior. Aujourd'hui, on parle des comportements des consommateurs nord-américains avec notre invité, nul autre que Marc Gagnon. Bonjour messieurs.

Marc : Bonjour Ashleay.

Sébastien  Salut Ashleay. Salut Marc.

Sébastien : Marc, c'est le fun de t'accueillir encore une fois. Tu avais fait fureur l'année dernière, quand on avait fait le récapitulatif 2022 et le regard vers 2023. Peut-être qu'on pourrait répéter l'expérience aussi dans les prochaines semaines.

Marc : Ça me ferait plaisir, c'est certain.

Sébastien : Mais on voulait t'avoir quand même aujourd'hui dans le balado. Ici, on parle beaucoup de macroéconomie, on parle des grands courants économiques, mais on s'est dit que ce serait le fun d'avoir quelqu'un comme toi, Marc, qui suit les compagnies au quotidien, qui écoute les appels des entreprises, des compagnies comme Costco, comme Walmart, de grandes compagnies qui racontent ce qui se passe vraiment sur le terrain du côté du comportement des consommateurs. Donc, merci d'être avec nous aujourd'hui. Plutôt que d'être dans la macroéconomie, on va peut-être aller un petit peu plus du côté micro aujourd'hui.

Ashleay : Oui. Puis, justement, pour comprendre la situation actuelle du consommateur nord-américain, est-ce qu'on peut rapidement revenir sur les grands courants de consommation des dernières années, mettons depuis la pandémie jusqu'à aujourd'hui?

Marc : Oui, je pense que c'est très important, Ashleay, parce qu'il s'est passé quelque chose de vraiment, on va dire, extraordinaire. La dernière pandémie, ça faisait 100 ans, c'était la grippe espagnole en 1917. Et, comme de raison, les économies, les banques centrales ont réagi différemment; elles savent mieux un peu quoi faire dans ce genre de situation là. Et elles ont injecté beaucoup d'argent dans l'économie. On le sait, on avait des programmes comme la PCU au Canada. Tous les pays sont arrivés avec des programmes plus ou moins semblables, mais dont le résultat était de mettre de l'argent dans les poches des consommateurs. Et ça, ça a eu un impact important sur la consommation. Les gens pouvaient consommer, oui, mais pas pour des services parce qu'ils étaient pris chez eux. Alors, qu'est-ce qu'ils achetaient? Ils achetaient des biens, un skidoo, une voiture, mais en même temps, on avait des problèmes de chaînes de production; plus de voitures, plus de skidoo. Alors, il s'est créé un drôle de mouvement où est-ce qu'on avait de l'argent, on voulait dépenser, mais on ne pouvait pas. Et il y a une autre chose aussi qui a amené beaucoup d'argent dans la poche des gens. Et ça, on en a un peu moins parlé. C'est le travail de la maison. On a fait un petit travail chez nous, puis on a estimé que ça sauvait environ 12 500 $, qui retournaient dans les poches des consommateurs. Pas besoin de s'habiller autant, pas besoin de payer pour le stationnement, pas de restaurant le midi. Alors, ça faisait de l'argent à dépenser. Alors, tout à coup, notre consommateur, pour qui on a eu bien peur en 2020, il était très présent, très fort, et ça l'a amené à vouloir dépenser. Il manquait de choses. Bien, qu'est-ce que ça fait dans ce temps-là? Ça fait de l'inflation. Alors, ça, ça a été le début de notre problème.

Sébastien : Puis, on a vu l’inflation, on a vu des gens qui se sont mis à payer très cher pour des biens usagés, des vélos de route, des vélos de montagne à trois fois le prix, puis aussi, bien sûr dans les marchés, de la spéculation, les cryptomonnaies, puis les NFT et tout. Donc, tout ça est lié à cette grande injection, désirée ou non, de liquidités dans les poches des ménages. C'est toute une période.

Ashleay : Puis, c'est quoi les contraintes auxquelles les consommateurs sont actuellement confrontés, puis comment ils gèrent ça?

Marc : Bon. Bien, comme on vient un peu d’en parler, puis Sébastien en a parlé aussi, cette inflation-là, ça a eu un effet très néfaste. Il a fallu restreindre ça, l'inflation, à 8 % en 2022, c'est un problème huit, neuf, 10 %. Alors, les banques centrales ont commencé à augmenter les taux d'intérêt. Elles les ont augmentés partout dans le monde, à certains endroits plus qu’à d'autres, entre autres aux États-Unis, au Canada, ça a été assez important, même très important et très rapidement. Et c'est venu frapper tout ce qui est prêt à la consommation; hypothèque, marge de crédit. Tout à coup, les frais d'intérêts se sont mis à augmenter de manière importante au même moment où l'espèce de réserve d'épargne qu'on avait de côté, qu'on avait accumulée durant les années de PCU, se mettait à fondre comme neige au soleil. Et puis, là, on se retrouve avec des gens aujourd'hui qui n’ont pas nécessairement de gros montants d'épargne, de gros revenus, car ils ont tout épuisé ça.

Puis là, ils font face à un coût de la vie plus élevé, d'une part, et à des taux d'intérêt plus élevés, d'autre part. Et là, les soldes de cartes de crédit, oh! malheur, commencent à augmenter tranquillement pas vite. On est revenu à des taux historiques, des taux qui nous disent : attention, le consommateur commence à être un petit peu plus étiré, il a un peu moins de marge de manœuvre. Et ça, quand les taux d'intérêt sont élevés, c'est un petit peu embêtant. Comment le consommateur essaie-t-il de réagir à tout ça? En même temps qu'il voit le coût de la viande augmenter, il essaie de diminuer un petit peu la valeur. Il se tourne vers les Dollarama, vers les magasins de détail à escompte. Il essaie de trouver le bargain à gauche puis à droite. C'est sa réaction pour faire face à une situation qui est beaucoup moins plaisante qu'il y a trois ans.

Sébastien : Puis, si je ne me trompe pas, les grandes chaînes comme les Walmart de ce monde expliquent que le panier moyen a changé beaucoup vers les articles de moins bonne qualité, entre guillemets. Ce qui est dans les bouts d'allées se vend mieux. Donc, on observe ça depuis un petit bout.

Marc : Oui, on observe ça depuis un petit bout. On appelle ça « le phénomène du trade down ». On a vu des géants comme TJX aux États-Unis, Winners […]. Si vous allez dans un Winners, les ventes vont bien. Il y a beaucoup de monde qui va en ce moment dans un Winners. Mais, malgré tout, même si ces gens-là reçoivent beaucoup, on voit quand même que, particulièrement au Canada, ça commence à baisser. Je voyais les chiffres pour Canadian Tire. On prévoit que les ventes vont être probablement à la baisse chez Canadian Tire pour le troisième trimestre. Alors, Canadian Tire, bon, c'est le every day every today un peu, là, le magasin que nous, chers Canadiens, on aime bien. Alors, quand on voit Canadian Tire qui commence à s'inquiéter, à dire : oui, les ventes vont peut-être être en baisse, c'est que le consommateur commence à être impacté aussi.

Sébastien : À l'épicerie, on a encore de l'inflation à 6, 7 %. On voit qu'on dépense tous beaucoup plus à l'épicerie. Mais quand on regarde la taille du panier moyen, c'est à la baisse. Donc, on achète moins de choses, on paye plus cher les dépenses comme ça, non discrétionnaires. On va continuer de manger puis de se loger. Après ça, c’est quand on va dans les autres magasins que là, on a moins d'argent pour se payer les biens qu'on s'achetait avant.

Marc : Absolument. Notre panier devient de plus en plus facile à pousser et pourtant, quand on arrive à la caisse, il a l'air deux fois plus gros qu’il était. Ça, c'est pratiquement, j'ai le goût de dire, un drame, mais bon, c'est ce qu'il est. Parce qu'il ne faut pas oublier que le coût de la vie a augmenté de presque 20 % en trois ans et que les salaires ont loin d'avoir suivi. Alors, quand on dit que quelque chose qui coûte en moyenne 20 %, coûtait 1 $, est rendu à 1,20 $, il y a aussi des choses qui sont rendues à 1,30 $, 1,40 $. La nourriture, elle est plus que la moyenne. Alors, oui, effectivement, ça a beaucoup augmenté.

Ashleay : Puis, Marc, peux-tu peut-être nous expliquer c'est quoi exactement les différences entre les deux pays, entre le Canada et les États-Unis? C'est quoi les conséquences pour les consommateurs? Puis, c'est quoi les différences entre les deux?

Marc : Oui, tu parles probablement du marché hypothécaire, parce que c'est la grosse différence au niveau de la consommation. C'est qu'ici, au Canada, nos taux d'intérêt pour lesquels on s'engage, c’est au maximum pour cinq ans. Aux États-Unis, on peut s'engager à geler un taux pour 30 ans, ce qui est fantastique. Quand tu avais des taux très bas durant la pandémie ‒ les taux sont descendus à 1 %, 1 ½ %, les hypothèques un peu plus ‒ on parle de taux souverains, mais quand même, les gens pouvaient se financer à des taux très très intéressants. Aux États-Unis, quelqu'un qui a eu le bonheur de négocier un financement à long terme, il s'est financé pour 30 ans à un taux vraiment attrayant, tandis qu'au Canada, beaucoup de gens sont financés à long terme. Mais le long terme, c'est juste cinq ans, et ce cinq ans-là, il va venir à échéance. Il va être dû en 2026. Les taux risquent d'être un petit peu plus élevés. Mais ceux qui sont financés juste pour trois ans ou à court terme, ils le vivent déjà. Et on parle de quelqu'un qui se finance, qui va se refinancer en 2025, 2026. Il va payer jusqu'à 600 $ de plus, entre 20 et 25 %, par mois, pas par année, par mois.

Sébastien : C'est 7 000 $ ou 8 000 $ de plus par année.

Marc : C'est de l'argent qui ne va pas dans les autres biens de consommation. C'est juste de l'intérêt. Puis là, on ne parle même pas de l'inflation. Tandis qu'aux États-Unis, ils ont le bonheur d'avoir pu se financer à beaucoup, beaucoup plus long terme. Puis ça, ça va aider le consommateur américain par rapport au consommateur canadien; ça va être une bonne différence.

Sébastien : Puis une des conséquences de ça du côté américain, c’est que le marché immobilier est un peu figé parce que si tu as une maison et que tu pensais la vendre, bien là, le taux d'intérêt que j'ai bloqué pour 30 ans, si je le renouvelle, il va être beaucoup plus haut, donc je ne vendrai pas. Ça fait en sorte que pour les gens qui veulent avoir accès à la propriété, il y a peu de maisons à vendre, donc ça pousse un petit peu les prix artificiellement à la hausse. Alors là, les gens restent locataires plus longtemps, ça fait de l'inflation sur les loyers, ça fait qu'on ne s'en sort pas.

Marc : Non, on ne s'en sort pas. Puis ça, c'est super intéressant ce que tu viens de toucher, parce qu'on crée une rareté artificielle. Personne ne veut vendre parce qu'on ne veut pas aller renégocier à la banque en ce moment. On a un taux de 3 %, 4 %. On va se retrouver avec un taux de 8 %. Pas d'intérêt du tout. On ne vend pas, il n'y a pas de maisons. Les prix ont recommencé à augmenter aux États-Unis, même si les taux d'intérêt sont élevés sur les maisons. Puis ça, après, ça rentre dans le calcul de l'inflation où tu crées une espèce de cercle vicieux. Ça, c'est vraiment le côté pervers du fait que leur situation leur est bien spécifique.

Sébastien : Quand tu disais au début que c'est une situation historique, il y a plusieurs couches.

Marc  : Oh oui!

Ashleay : Puis, c'est quoi l'avenir pour les 12 à 24 prochains mois pour les consommateurs? C'est quoi les principales incertitudes?

Marc : Bien, écoutez, il y a beaucoup d'incertitudes, mais l'incertitude numéro un, de laquelle tout va découler, finalement, c'est ce qui va arriver du côté de l'inflation. Les banques centrales ont augmenté les taux. Pas parce qu'elles aimaient ça, pas parce que ça leur plaisait. C'était pour faire baisser l'inflation. Elles ont déjà une bonne partie du travail de fait; on est aux alentours de 4 %, plus ou moins, selon les mesures d'inflation, les pays que l’on regarde en Amérique du Nord. Mais on va dire 4 % pour les besoins de la discussion. On veut se rendre aux alentours de deux, deux et demi, et ça, c'est pas mal le gros maximum.

Alors, il faut qu'on réussisse à continuer à aller dans cette direction-là. Les banques centrales, quand elles vont voir que ça fonctionne bien, mais aussi surtout le marché, quand il va voir que ça fonctionne bien, les taux d'intérêt à long terme vont arrêter de monter. Si effectivement l'économie ralentit quelque peu, ils vont même commencer à redescendre. Si l'économie ralentit et que l'inflation ralentit, les banques centrales vont baisser les taux, puis là, on va desserrer le nœud de cravate. Là, le consommateur va pouvoir respirer un peu, déboutonner le bouton de chemise, puis commencer à pouvoir acheter les choses avec un petit peu plus d'aisance.

Sébastien : C'était juste une très bonne image. Je l’ai beaucoup aimée. Je n’ai rien à rajouter là-dessus. C'était poétique. Merci.

Ashleay : C'est sur cette note qu'on va terminer aujourd'hui. Merci à vous deux. J'espère qu'à la maison vous avez apprécié l'épisode aujourd'hui tout autant que moi. Merci beaucoup et à la semaine prochaine.

Marc : Merci Ashleay.

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À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon et Marc Gagnon

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

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