Récession pour 2023 : une histoire de fantômes?

La situation économique actuelle n’a aucun parallèle dans l’histoire. Est-ce que la peur d’une crise majeure se concrétisera en 2023, comme plusieurs analystes le suggèrent? Discutons PIB, politique monétaire, équilibre budgétaire et plus encore. Le point sur l’état de l’économie mondiale et canadienne avec Sébastien Mc Mahon et Ashleay Dollard.

Ashleay :
Bienvenue au balado À vos intérêts de iA Groupe financier, où l'objectif est de vous partager l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances. Mon nom est Ashleay et cette semaine, on fait le point sur l'état de l'économie canadienne et mondiale. Comme toujours, je suis en compagnie de Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe financier. Bonjour Sébastien.

Sébastien :
Bonjour Ashley.

Ashleay :
Contente de te retrouver une fois de plus derrière le micro.

Sébastien :
Moi aussi.

Ashleay :
Alors, Sébastien, ça fait un petit bout que les économistes nous parlent de risque de récession en 2023, mais on la voit pas encore à la mi-année. On a pensé que ça serait peut-être un bon moment, un moment bien choisi, pardon, pour faire le point sur l'état de l'économie mondiale et canadienne.

Sébastien :
Oui, tout à fait. Puis ces épisodes-là, on en fait un de temps en temps, là, qu'on fait le point sur où on en est, puis c'est important de le faire de façon régulière, parce que l'économie, ça bouge vite. Puis, je vous dirais qu'on n'est pas dans le camp, qu'il y a une crise qui s'en vient. On n'a pas, on n'a jamais été dans là. Quand il y a une récession terrible qui s'en vient, tout ce qu'on a toujours vu, nous, de notre côté, c'est une espèce de période, de période, de consolidation économique. L'économie se rééquilibre. Faut pas oublier que le resserrement de la politique monétaire, là, la hausse des taux de la Banque du Canada, en bon français, assez rapide, est assez récente. Puis ça prend un bout de temps avant que tout ça soit digéré dans l'économie. On dit que, généralement, chaque décision des banques centrales, ça prend 18 à 24 mois avant d'avoir l'effet complet. Donc, on est dans un monde où tout va vite, là. Puis là, la dernière hausse, c'était en janvier; la première en mars dernier. La plus grosse hausse du groupe est en juillet 2022, ça fait même pas un an encore, donc faut laisser le temps au temps. Donc, là, l'économie est en train de digérer tout ça. Mais quand même, ce matin, là, avant d'enregistrer ici, bien, on a eu les chiffres du PIB canadien pour le premier trimestre, puis quand même, le premier trimestre était beaucoup plus fort qu'attendu : une croissance de 3,1 %. Ça fait que le Canada, l'économie va bien, ça va bien, mais il faut juste penser que, tu sais, mon rôle de stratège, c'est d'analyser l'économie puis d'en faire des stratégies de placement. L'économie, si on a une période de consolidation, où est-ce que ça ralentit progressivement? Mais c'est pas porteur nécessairement pour des classes d'actifs plus risquées dans ce temps-là. C'est pour ça qu'on dit qu'on est un peu plus prudent, puis défensif. Ça ne veut pas dire qu'on pense qu'il va y avoir des, une catastrophe économique qui s'en vient. Donc, pas du tout. Puis quand on regarde l'épisode dans lequel on est, là, c'est encore difficile de faire des parallèles historiques parce qu'il y a une période postpandémie. Bien, il y avait l'épidémie et l'épidémie de la grippe espagnole il y a une centaine d'années, mais c'était un autre monde. Donc, regardez bien, il y a plusieurs pièces de l'échiquier qui bougent, disons. Puis on est encore en train d'apprivoiser tout ça. Je vous dirais donc peut-être ce que je te proposerais aujourd'hui, c'est peut-être on pourrait décomposer un peu les grands morceaux de l'économie, voir comment ça va peut tu main, on va tout te mettre ça ensemble pour voir quel est, quel portrait qu'on pourrait donner à tout ça.

Ashleay :
Parfait. Puis là, si on parle du PIB, justement, là, la base, ça commence avec la consommation des ménages.

Sébastien :
Oui, puis, selon les régions, là, la consommation des ménages, environ 60 à 70 % du PIB. Donc, le gros de l'économie, c'est les consommateurs, les dépenses qu'on fait, biens et services. Puis je vous dirais, il y a encore beaucoup d'épargne qui est accumulée, qui a été accumulée pendant la pandémie, qui est dans les comptes de banque des, des consommateurs, des ménages. Le taux d'épargne des Canadiens, il est retourné près de sa moyenne historique; environ 6 % qu'aujourd'hui on épargne, encore 6 % de nos revenus en moyenne au Canada. Mais il y a un gros stock d'épargne qui reste en place. Puis, ce qu'on voit dans le moment, c'est que, bien, l'épargne continue à, disons, à financer notre rythme de vie malgré l'inflation. Ça fait que le stock d'épargne des ménages est en train de se réduire. Puis, un bon exemple, c'est à l'épicerie. L'inflation a dépassé 10 % en début d'année, puis, oui, puis quand on regarde, le panier moyen est stable depuis l'année passée, donc les gens ont continué de dépenser la même chose, d'acheter le même panier à l'épicerie, mais on le paye plus cher, donc on le paye avec notre épargne. Donc, progressivement, on voit que le vent de dos, qui est l'épargne des ménages, pourrait, pourrait peut-être disparaître. Puis aussi, dans les statistiques, on voit que les ménages canadiens, tout comme les ménages américains, commencent à utiliser davantage leur carte de crédit. Donc, on voit que l'effet d'épargne, là, de la pandémie, il est en train de disparaître. Donc, ça, c'est quelque chose qui va nous amener éventuellement, comme je disais, vers un ralentissement économique, mais c'est un processus qui se fait pas en claquant des doigts. Le marché du travail continue de bien performer, il se crée encore beaucoup d'emplois au pays. On parle de 40 à 50 000 par mois en moyenne depuis un an. C'est quand même beaucoup au Canada. Bien sûr, les entreprises qui ont accumulé beaucoup de travailleurs pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre. Mais ça, ça a été un vent de dos pour les revenus des ménages. Donc, les gens travaillent plus. Le taux de chômage est bas. Mais on voit dans les sondages maintenant que les entreprises, collectivement, nous disent : « Bon, on a embauché pour être sûr de pas manquer de monde, mais peut-être que là, on a assez embauché et que ça va ralentir à partir de maintenant.» Donc, ça, c'est ce qu'on surveille. Je vous dirais que, dans la colonne des plus ou dans la colonne des moins bien, le consommateur, le gros morceau de l'économie, je mettrais un petit plus, un petit crochet dans la colonne des plus. En 2024, peut-être que ça pourrait être neutre, ou même peut-être un vent de face, la, consommation. Mais, pour le moment, je vous dirais, en 2023, ça se passe bien.

Ashleay :
Donc, le momentum actuel est à risque, mais c'est normal?

Sébastien :
Oui, tout à fait. Puis la politique monétaire, ça agit avec un délai, puis le délai lui-même est imprévisible, donc on sait pas. Mais le deuxième morceau en importance, c'est, dans l'équation du PIB, c'est l'investissement des entreprises. C'est environ 20 à 25 % de la taille de l'économie des pays développés, là. Le facteur clé pour l'investissement des entreprises, c'est la confiance. Puis, les sondages récents suggèrent que les entreprises pourraient être plus frileuses avant de se lancer dans des nouveaux projets d'expansion. Donc, ça, c'est peut-être un négatif, mais en même temps, de l'autre côté, on a les derniers budgets. On en a parlé récemment dans un épisode, ici, des budgets. Bien, le gouvernement américain a annoncé des mesures de subventions pour les investissements, pour la transition énergétique. Le gouvernement fédéral canadien a réagi à ça, en donnant des mesures, en mettant des programmes généreux. Les provinces aussi. Donc, peut-être que pour des investissements de plus long terme, ça pourrait venir supporter l'économie. À plus court terme, des investissements plus en machines et matériel pour la, pour aider la production à court terme, peut-être que ça pourrait être laissé de côté. Donc, je vous dirais que, au net, un petit crochet pâle du côté de la colonne des plus pour l'investissement, ce serait là que je me positionnerais.

Ashleay :
Donc, les choses vont relativement bien de ce côté-là aussi. Puis, du côté des dépenses gouvernementales, on parle surtout de retour à l'équilibre budgétaire. Est-ce que ça peut jouer?

Sébastien :
Oui, ça peut jouer en termes de croissance, parce qu'on parle toujours qu'une récession, c'est quand la croissance disparaît, puis même on passe, on passe en contraction. Bien, les dépenses du gouvernement, c'est environ 15 à 20 % de la taille de l'économie. Puis, si on maintient les dépenses actuelles, ça veut dire qu'il y a plus de croissance qui vient du gouvernement. Puis, si même on met de la rigueur fiscale puis qu'on ralentit les dépenses gouvernementales, bien ça veut dire qu'on a un vent de face à la croissance économique. Donc, je vous dirais que, dans la colonne des négatifs, là, on mettrait un petit crochet à côté de la contribution des gouvernements pour des questions de rigueur, puis d'équilibre budgétaire.

Asheay :
Ok. Puis, je t'entends souvent dire que le Canada, c'est une petite économie ouverte. Comment vois-tu la contribution du commerce international?

Sébastien :
Oui, tout à fait. Le Canada, on a, on est, on est une économie qui est petite à l'échelle internationale. Puis l'économie américaine, c'est notre principal partenaire économique. Puis du côté américain, ils font face, font face aux mêmes défis économiques que nous. La croissance est vue être assez faible pour 2023-2024. C'est peu probable qu'on voit un boom des importations de produits canadiens à venir devant nous. Même chose pour la Chine qui a réouvert postCOVID. Enfin, sauf qu'ils ont réouvert un peu au mauvais moment. Parce que s'ils ont ouvert au moment où l'économie mondiale ralentissait. Oui. Puis, la Chine, on produit beaucoup des biens qui sont exportés à l'international, donc le « timing » n'était pas très bon. Donc, je vous dirais que je mettrais un petit moins aussi dans la colonne, mettons un petit crochet dans la colonne des négatifs pour le bilan à l'international.

Ashleay :
Puis au-delà des thèmes purement économiques, comment est-ce qu'on intègre la démographie dans tes perspectives?

Sébastien :
La démographie, au Canada surtout, c'est une des variables les plus importantes. Avec le rattrapage postCOVID, on a fermé les frontières pendant un bout de temps, mais le Canada a des frontières assez ouvertes pour l'immigration économique. Donc, on choisit les immigrants qui viennent au Canada selon les besoins économiques. Puis ça fait un grand, ça fait un vent de dos important à la croissance de l'économie canadienne. Puis, en 2022, il est rentré à peu près 1 million de nouveaux Canadiens. Donc, c'est 2 % de croissance démographique, ce qui est énorme. Puis, il faut aller dans la période après-guerre avec le baby-boom pour voir des chiffres de croissance comme ça. Mais maintenant, c'est pas des bébés, c'est, c'est des nouveaux arrivants. Puis, les nouveaux arrivants qui viennent ici ont des actifs et s'intègrent rapidement au marché du travail, donc ça change la donne. Donc, je vous dirais que les chiffres canadiens devraient être très résilients pour la croissance économique. Mais il faut commencer à regarder, au Canada, des données per capita. Donc, probablement qu'on va voir, per capita, la consommation baisser, per capita, le PIB stagner. Mais au niveau total, avec le support qu'on a de la croissance de la population, il faut s'attendre à ce que l'économie canadienne s'en, s'en sorte bien. Donc, si on fait le bilan de tout ce qu'on vient de raconter, là, bien, tu sais, en 2008, en 2020, le Canada avait était plus résilient que les autres pays. Donc, si on voit des probabilités de récession, peut-être environ 50 % du côté américain d'ici mi-2024, fin 2024, là c'est encore, on est un peu sur la clôture. Bien, au Canada, faudrait dire c'est plus 30-35 % d'ici la fin 2024 à cause de tous ces facteurs-là.

Ashleay :
Ok. Bien, merci beaucoup Sébastien. Encore une fois très instructif. Puis à tous les auditeurs, merci d'avoir été là. Si vous avez aimé l'épisode, on vous invite à partager à votre entourage ou à donner votre avis sur la plateforme d'écoute Apple, Spotify ou Google Balados. Merci, et on se retrouve la semaine prochaine! Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

 

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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