L’inflation des aliments | Un souper BBQ en trois versements égaux

Un panier d’épicerie 9 % plus cher qu’en 2022 et la hausse se poursuit. D’où provient l’inflation alimentaire et est-il possible de la freiner? Changements climatiques, maladies des cultures et conflits armés, Sébastien Mc Mahon et Ashleay Dollard décortiquent la question pour nous. Préparez-vous à vous serrer la ceinture pour un bon moment!

Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! de iA Groupe financier où l’objectif est de vous partager l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances. Mon nom est Ashleay et cette semaine, on parle d'inflation alimentaire avec Sébastien Mc Mahon, notre stratège en chef et économiste sénior. Alors bonjour, Sébastien.

Sébastien : Salut, Ashleay.

Ashleay : Alors, Sébastien, peux-tu nous expliquer, on dirait que l'inflation ralentit partout, sauf à l'épicerie. Est-ce que je me trompe?

Sébastien : Tu ne te trompes pas. Puis aujourd'hui, on va regarder l'axe un peu géopolitique. Donc on va aller se promener un peu sur la planète parce qu'on regarde au supermarché chez nous, puis on dit « Voyons, l'inflation est élevée ». L'inflation alimentaire, juste pour commencer, comment ça se mesure, là? Bien, tu sais, c'est un peu comme l'indice des prix à la consommation. Statistique Canada fait des sondages et consulte les gens, puis dit « OK, le panier d'épicerie moyen que les gens consomment chaque semaine, ça ressemble à peu près à ça ». Donc ils regardent le coût de ce panier-là dans le temps. Puis chaque mois, il y a une mesure qui est publiée, le fameux chiffre d'inflation, là, qui est publié dans les journaux, puis que vous voyez dans les nouvelles. L'inflation totale au Canada de tous les biens et services, bien, les derniers chiffres qu'on a en date d'enregistrer, en date d'aujourd'hui, eh bien, c'est 4,3 % en date de mars 2023, donc 4,3 % d'inflation totale. Mais l'inflation des aliments, bien là, c'est encore à 9 %. Donc année sur année, entre mars 2022 puis mars 2023, le panier d'épicerie, il a augmenté de 9 %, donc c'est quand même beaucoup. Puis on est encore proche du sommet qui était à 10,5 %, qui a été atteint en janvier dernier. Ça, c'est année sur année, puis on regarde récemment, bien, la tendance demeure forte parce que si on regarde la poussée du prix du panier moyen d'un mois à l'autre, donc de janvier à février, de février à mars cette année et on fait une moyenne, c'est environ 1,5 % de plus par mois. Donc on voit que les prix continuent d'augmenter. Ce n'est pas terminé. Puis les signes de ralentissement, bien malheureusement, on ne les voit pas encore beaucoup.

Ashleay : Puis est-ce que ça va directement dans les poches des épiciers?

Sébastien : Bien… Il y a probablement de ça. Les grands épiciers ont été convoqués par les politiciens à Ottawa pour une espèce de reddition de comptes il n’y a pas si longtemps. Puis, oui, leurs marges de profit sont meilleures. Il faut quand même dire que les épiciers, bien, il y a eu beaucoup de consolidation. Les petits joueurs se sont fait acheter par les gros joueurs depuis une vingtaine d'années. Donc ce sont des entreprises qui sont très profitables puis qui sont bonnes pour maintenir leurs marges puis les gonfler. Mais il faut aussi penser aux multinationales, aux grands producteurs de sucre, de farine, de breuvages et tout. Mais on voit que là aussi, les prix ont poussé beaucoup. En clair, là, c'est que les augmentations de prix qui étaient prévues pour les trois ou quatre prochaines années, eh bien, il y avait une vague d'inflation, c'était peut-être un bon moment pour les passer tout de suite. Puis on augmente les profits à court terme. Probablement que ça veut dire que l'inflation va ralentir avec le temps. On a déjà vu les prix monter, mais il ne faut pas penser que les prix vont se mettre à rebaisser, c’est juste qu'on va aller de côté pour un petit bout de temps.

Ashleay : OK, puis si on regarde un petit peu la situation mondiale du marché de l'alimentation, ça ressemble à quoi?

Sébastien : Bien, c'est là qu'on tombe dans l'axe géopolitique. On va essayer de rendre ça intéressant. Mais les changements climatiques, on en parle beaucoup. Nos jeunes sont sensibilisés beaucoup à ça. Puis s'il y en a qui pensent encore que c'est un concept abstrait, puis on n'est pas certain, bien, c'est dans l'assiette que c'est en train de vous rattraper, là, si vous n’étiez pas convaincus. La hausse des prix des aliments qu'on voit depuis quelque temps est principalement due aux facteurs comme les sécheresses à l'échelle internationale. Même en Amérique du Nord, il y a des sécheresses aux États-Unis, en Californie, qui font que certaines productions,  bien, on a de la difficulté, donc les prix augmentent. Des tempêtes, les maladies des cultures, tous ces trucs-là qui sont liés aux changements climatiques. Mais il y a aussi les conflits armés, là. Peut-être que oui, le conflit en Ukraine a le dos large, mais pour les prix des aliments, l'Ukraine et la Russie produisaient énormément de céréales à plusieurs pays dans le monde. Donc si on limite la production, ça fait effet boule de neige, ça se répercute partout jusque chez nous. Puis même que récemment, bien, la Banque mondiale a recommandé des mesures urgentes pour renforcer la sécurité alimentaire. Il y a certains pays où les petits agriculteurs ont de la difficulté à arriver. Ils ont de la difficulté à cause des sécheresses. Donc on veut quand même qu’ils restent en affaires, ces producteurs-là, pour ne pas qu'on ait encore plus de difficulté à s'alimenter à l'échelle internationale. Donc on parle des investissements en irrigation, des infrastructures agricoles, bref, chez nous, on regarde le prix à l'épicerie, on trouve que c'est terrible, mais il y a des pays où les gens ont de la difficulté à manger.

Ashleay : Puis est-ce que le Canada produit assez de nourriture pour sa population ou est-ce qu'on est dépendant de ce qui se passe ailleurs?

Sébastien : Bien, on est dépendant. Il n’y a aucun pays dans le monde ou à peu près, qui est indépendant sur tous les produits, donc on ne peut pas tout produire. Par exemple, si on aime les bananes, des bananes canadiennes, c'est difficile de dire qu'on serait indépendant de ce côté-là. Donc on va toujours importer des fruits et des légumes, entre autres. Mais depuis 2019, le Canada est devenu un exportateur net de nourriture. Donc ce n'est pas tous les produits, mais au net, on exporte beaucoup de céréales entre autres, donc on exporte un peu plus, ce qui fait qu'on est un peu moins touché par la poussée mondiale des prix des denrées post -pandémie. Donc si on veut réduire l'inflation alimentaire, ça ne se passe pas tant chez nous, ça se passe à l'international. C'est quand on parle des facteurs ESG, on en a parlé beaucoup dans le balado ici. Bien, soutenir l'agriculture durable, soutenir des mesures pour la consommation responsable, soutenir l'agriculture biologique et réduire le gaspillage alimentaire, favoriser une alimentation saine et équilibrée, chacun dans son petit coin de pays, dans sa maison, peut faire une différence et avoir un impact ultimement. Mais je vous dirais que c'est les changements climatiques qui nous rattrapent. C'est toujours très abstrait jusqu’à tant qu'on ait les deux pieds dedans, bien là, on a les deux pieds dans nos assiettes dans le moment, puis on est là.

Ashleay : Puis au-delà de nos portefeuilles, le marché mondial des aliments est un thème clé du mouvement vers l'adoption des pratiques de développement durable, puis les facteurs des facteurs ESG, comme tu viens de le mentionner.

Sébastien : Oui, exactement.

Ashleay : Pour les pays en développement, où est-ce que les dépenses alimentaires sont? Ça ressemble à quoi?

Sébastien : Chez nous, on trouve ça terrible quand les prix à l'épicerie augmentent, mais c'est quand même une petite partie des dépenses des ménages. Comme on dirait, un ménage de quatre personnes, bien, on peut penser à une facture d'environ 200 et quelques dollars par semaine. Mais il y a des pays où l'augmentation des prix peut entraîner une grande insécurité, ça peut entraîner de la malnutrition parce que les besoins de base, c'est tout le revenu du ménage qui y passe. Donc la sécurité alimentaire, on peut faire l'argument que c'est un droit fondamental, puis il faut prendre ces considérations-là maintenant. La planète devient de plus en plus petite et on est de plus en plus interreliés et il y a de plus en plus de monde sur la planète aussi. Donc il y a des dimensions géopolitiques assez importantes à tout ça. Puis l'augmentation des prix des aliments, ça peut avoir un impact aussi sur l'environnement. Par exemple, la demande croissante de viande, ça augmente, ça continue, l'augmentation de la production de bétail, qui est une source importante d'émissions de gaz à effet de serre. Donc, l'utilisation d'engrais et de pesticides, ça augmente les rendements agricoles, ça, c'est vrai, mais ça a un impact négatif sur l'environnement puis sur la santé humaine. Donc, on peut faire quelque chose pour aider pour les prix, en produisant en plus. Mais après ça, il y a des considérations environnementales, donc ce sont peut-être des choses qu'on pensait moins avant, on parlait moins, mais maintenant, bien manger, nourrir tout le monde tout en faisant attention à l'environnement, bien c'est rendu un équilibre qui est plus délicat. Donc c'est un peu ça le message ici, que quand on regarde dans nos assiettes, quand on regarde à l'épicerie, on trouve que ça coûte cher, il faut faire des efforts, on trouve que c'est difficile, mais il ne faut pas oublier que c'est un enjeu qui est rendu planétaire. Et ce n'est pas juste chez nous que ça va se régler. Puis ce n'est pas en amenant nos épiciers devant les politiciens à Ottawa ou à Washington que les problèmes internationaux vont se régler.

Ashleay : Exactement. Puis d'ailleurs, les gouvernements, les organisations internationales, les entreprises, ils travaillent tous ensemble pour trouver des solutions à l'inflation alimentaire, de ce que je comprends.

Sébastien : Oui.

Ashleay : Est-ce que tu as quelques exemples à nous donner?

Sébastien : Oui. Bien, tu sais, il y a plusieurs entreprises qui se sont engagées à réduire leur empreinte carbone en adoptant des pratiques agricoles qui sont plus durables. Certaines organisations qui ont lancé des programmes pour encourager la production et la consommation d'aliments locaux et saisonniers. Donc, tout ça, ça peut réduire les coûts au niveau individuel, au point de vue local, mais aussi, ultimement, réduire les gaz à effet de serre et avoir un impact bénéfique sur l'environnement.

Ashleay : Oui, donc c'est gagnant pour tout le monde. Super, bien merci encore Sébastien. Très intéressant et à tous les auditeurs, merci d'avoir été là. Si vous avez aimé l'épisode, on vous invite à le partager avec votre entourage ou à donner votre avis sur la plateforme d'écoute Apple, Spotify ou Google Balado. Sur ce, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

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