Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts de iA Groupe financier où l'objectif est de vous partager l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances. Mon nom est Ashleay et cette semaine, on discute des défis du marché de l'emploi. Il y a la démographie et les nombreux effets et pressions sur le système scolaire. Comme toujours, je suis en compagnie de Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior, chez iA Groupe financier. Bonjour Sébastien. Bonjour Ashleay. Contente de te retrouver encore une fois derrière le micro. Alors Sébastien, il me semble que les jeunes travaillent beaucoup plus aujourd'hui que par le passé, ou du moins que lorsque j'étais moi-même adolescente, est-ce que c'est la maman en moi qui est plus sensible au phénomène ou est-ce que les chiffres me donnent raison?
Sébastien : Bien, tu as parfaitement raison. Les jeunes travaillent beaucoup plus aujourd'hui. La société a évolué, les jeunes ont plus d'argent pour s'acheter des jouets, des téléphones intelligents et tout. Mais, on va peut-être regarder un peu aujourd'hui, le jeu des vases communicants dans l'économie qui explique ce phénomène-là. Donc, ce n'est pas juste parce que les jeunes veulent s'acheter plus de jouets et plus de bébelles électroniques qu’ils travaillent. Dans le temps, nous aussi, on aurait aimé ça peut-être travailler pour pouvoir s'acheter plus de jeux vidéo quand on était jeune, mais c'est vraiment l'effet du vieillissement de la population, l'effet du vieillissement démographique qu'on entend parler depuis des décennies et des décennies. Je me rappelle dans les années, au début des années 2000, quand j'étais un jeune économiste au ministère des Finances du Québec, on parlait à peu près que de ça, on savait que ça s'en venait, on savait que ça créerait des défis. Bien, là, on a les deux pieds dedans. Donc, ça aussi, on fait juste l'état des lieux, là, depuis l'année 2000, la population du Québec, qui est âgée de quinze ans et plus, donc qu'on considère en âge de travailler, a augmenté de 22 %, au Québec. Donc, on a augmenté en 23 ans de 22 % la population. Mais l'emploi, lui, il a augmenté de 32 %. Donc, ça veut dire qu'il y a plus de gens qui travaillent en pourcentage de la population aujourd'hui qu'en 2000. Puis l'écart a été comblé en bonne partie par la hausse du taux de participation des femmes dans l'économie. Puis ça, ça a été une des grandes forces de l'économie du Québec depuis la fin des années 90. La création des CPE, donc les centres de la petite enfance, les garderies subventionnées, en d'autres termes, qui ont fait en sorte que c'était plus facile pour les femmes d'aller travailler parce que ça ne coûtait pas aussi cher de faire garder les enfants. Donc ça, ça a donné un vent de dos à l'économie québécoise qui était assez forte, mais l'arithmétique de la démographie maintenant fait que les séniors, puis ici, on va définir les séniors comme 65 ans et plus. Ne lancez-moi pas de roche virtuellement s'il vous plaît. Il faut mettre la ligne à quelque part, soit les soixante-cinq ans et plus. Ils sont de plus en plus lourds dans la population. Puis, bien sûr, leur taux de participation, donc leur participation au marché du travail, le taux de participation si on regarde, y en a combien qui travaillent ou qui lèvent la main? Dire je suis intéressé à travailler dans la population, mais c'est beaucoup plus faible pour ce groupe d'âge-là que pour les autres groupes d'âge, cela fait que le résultat c'est que pour répondre à la vigueur économique qu'on a, l'économie du Québec va bien. Bien là, on a moins de séniors. On a plus de séniors dans la société, les séniors travaillent moins. Donc il faut aller puiser ailleurs. Donc on va puiser dans les 25-54 ans oui, là, 25-64 ans même oui. Mais il faut aller puiser aussi plus chez les jeunes.
Ashleay : Je comprends. En fait, ce n'est pas juste une impression, mais quand tu dis que les jeunes travaillent plus, on parle de niveau record.
Sébastien : Oui, on parle de niveau record et même pas juste les jeunes, les 25-54 ans. C'est si on regarde sous un autre angle, là, le marché du travail, si on regarde le taux d'emploi, le taux d'emploi, là. Statistique Canada appelle les gens, puis on regarde, ok, dans la population totale du Québec, du Canada, de la population âgée, par exemple, ici, de 25 à 54 ans, il y en a combien qui ont un emploi? Ok. En 2000, au Québec, dans les 25-54 ans, là, c'était 75 % des gens qui avaient un emploi, donc 75 % des gens qui travaillaient. Maintenant, c'est rendu presque 90 %. Donc, les gens travaillent beaucoup plus. Il y a beaucoup plus de gens qui travaillent. Au Canada, on est passé de 80 à 85 %. Donc au Québec, c’était 75 à 90, au Canada, c’était de 80 à 85. Donc, on a rattrapé du retard au Québec, puis on est rendu beaucoup plus loin que le reste du Canada. Puis aux États-Unis, ça a été assez plat, c’était de 80 % en 2000, 81 % aujourd’hui. Donc ça n’a pas vraiment changé. Donc, la population, là, le noyau des 25 à 54 ans, ça, c’est l’état des lieux. Mais quand on regarde les jeunes et les jeunes ici, il y a une nuance à faire, là, Statistique Canada regarde le groupe d’âge des 15 à 24 ans, ne va pas regarder les quatorze ans et moins. Puis, si on regarde juste les 15 à 24 ans, là, au Québec, là, en 2000, c’était 50 % des jeunes qui travaillaient, puis maintenant c’est 65 %. Donc, ça a augmenté beaucoup. Au Canada, on est passé de 55 à 60 %. Donc, on voit que c’est un phénomène qui est très Québec. Puis, quand on regarde les séniors, les 65 ans et plus, ça ne surprendra pas de savoir qu’ils travaillent moins, puisque normalement, nous, on prend notre retraite. Bien au Québec, en 2000, c’était 3 % seulement des 65 ans et plus qui travaillaient. Maintenant, on est rendus à presque 12 %. Enfin, ça a augmenté beaucoup mais là, on se rend compte que si on a plus de personnes âgées et les personnes âgées travaillent moins. Mais comme vous êtes tantôt des vases communicants, il faut aller les chercher quelque part, nos travailleurs pour l'économie vigoureuse. Donc on a mis ça, on met le fardeau naturellement sur les épaules des jeunes.
Ashleay : Je vois. Et puis, est-ce que tout ça c'est soutenable?
Sébastien : Bah, c'est risqué, c'est soutenable peut-être, c'est des choix de société éventuellement. Il y a eu de la nouvelle législation là-dessus récemment au Québec. On pourrait en parler dans quelques minutes, mais, je dirais, on a des gains de productivité, là, mais on manque quand même de travailleurs. Donc, on est on a plus d'usines maintenant, on a plus de technologies, mais ça prend quand même des travailleurs. Puis au Québec, nos séniors ont tendance à travailler moins qu'ailleurs. Quand je disais tantôt que c'est rendu 12 % environ au Québec, le taux d'emploi des 65 ans est plus bas. Au Canada, c'est 14 %. Vous êtes unis, c'est 19 %. Donc, il y a peut-être, il y a peut-être quelque chose de culturel là-dedans. Il y a des solutions dont on entend parler depuis des années. Est-ce que la fiscalité pourrait aider? Est-ce qu'on pourrait donner des crédits d'impôt aux personnes âgées pour les encourager à travailler? Est-ce qu'on peut sensibiliser les employeurs à être plus flexible avec les séniors? Parce que les séniors, c'est des travailleurs d'expérience, puis on veut les garder, là. Donc, il y a toutes ces solutions là, mais ça, c'est un autre débat. Si on regarde les conséquences pour les jeunes bien là, on a une concurrence sérieuse au système d'éducation. Ma femme est enseignante au secondaire, elle en parle souvent les profs, les élèves en difficulté. Souvent, on se rend compte que ces difficultés-là sont temporaires. Mais pendant qu'ils vivent des difficultés, un élève est plus propice à décrocher pendant cette période-là. Donc, si on concurrence le système scolaire avec le travail, avec l'attrait du gain, avec l'argent, qu’on peut faire pour s'acheter un nouveau iPhone, s'acheter une voiture, partir en appartement. Bien là, c'est clair qu'on fait augmenter le décrochage, donc le décrochage moyen au Québec, le taux de sortie sans diplôme du système du système secondaire, c'est 13,5 %. C'est quand même encore très élevé. Mais quand on regarde plus les gens, les jeunes qui travaillent, donc plus les jeunes travaillent d'heures par semaine, plus le taux de décrochage augmente. Donc c'est treize et demi pour le pourcentage de décrochage moyen. Mais si un jeune travaille de 11 à 15 heures par semaine, ça passe de treize et demie à 20 % de décrochage, puis 16 heures par semaine et plus, on monte à 31 %, taux de décrochage. Donc c'est assez important. C’est des horaires qui sont complexes, puis ça a des impacts sur la santé physique des gens, parce que parmi les jeunes, il y a plus d'accidents de travail chez les jeunes que chez les adultes. Puis aussi c'est la santé mentale, c'est des burnouts, des dépressions et tout ça parce qu'on a un horaire complexe à gérer. Bien, c'est un vrai défi. Il y a des études du ministère de l'Éducation qui supportent ces thèses-là, donc c'est risqué. Est-ce que c'est soutenable? Probablement que qu'on n'a pas le choix de vivre avec ça aujourd'hui, mais il faut l'encadrer correctement.
Ashleay : Et je me permets la question est-ce que c'est possible que peut être que ces jeunes-là qui travaillent plus d'heures auraient eu tendance à décrocher de toute façon, entre guillemets?
Sébastien : Peut-être.
Ashleay : Mais on a beaucoup plus d'accès maintenant à des emplois. Tu sais, je me rappelle moi quand j'étais plus jeune, puis ça ne fait pas si si longtemps, il fallait qu'on se batte vraiment pour avoir l'emploi, pour avoir un poste, peu importe c'était quoi.
Sébastien : Maintenant, le marché du travail, maintenant, il est vraiment rendu du côté de l'employé. Tu sais, moi j'ai une fille qui va avoir 18 ans bientôt, puis c'est déjà arrivé pour vrai qu'elle commence une journée chez un employeur, puis le soir, on va la chercher au centre d'achat. Puis elle avait changé d’emploi pendant la journée parce qu'ils cherchent des gens partout. Tu vas quelque part, tu chercher un emploi. Ici, on offre les conditions ABC. Bien oui. Puis tu t'en vas-là, puis c'est beaucoup plus facile maintenant. Fait que l'accessibilité de l'emploi, ça a changé la donne. Beaucoup.
Ashleay : Je comprends. Alors, quoi faire?
Sébastien : Tantôt, là, je parlais des quinze ans et plus parce que Statistique Canada ne traite pas les quatorze ans et moins. Donc il y a de la législation qui est rendue en place. Puis si vous allez à l'épicerie, vous allez voir qu'il y a des jeunes de treize, quatorze ans. Il y en a beaucoup qui travaillent maintenant, donc, au Québec. Et la législation qui a été mis en place récemment interdit aux moins de quatorze ans de travailler. Puis il y a des exceptions pour le gardiennage, l'aide aux devoirs, les camps de jour, toutes ces choses-là, mais on a quand même mis, on a trouvé que c'est important au point de vue de la société de mettre quelque chose en place. Puis 14 à 16 ans, c'est interdit pendant le calendrier scolaire de travailler plus 17 heures par semaine. Donc qu’est-ce que c'est bon cette loi-là? Est-ce que ce n'est pas bon? Tout le monde peut avoir son opinion, mais je pense que le poids démographique est tellement important. C'est tellement un paquebot qui évolue lentement mais de façon assez lourde dans le temps que d'agir aujourd'hui plutôt que de se rendre compte dans dix quinze ans qu'il faut revenir en arrière. Puis aimerait ça, revenir en arrière, probablement que c'était la chose à faire. Donc l'avenir va nous dire si c'était la bonne chose de légiférer.
Ashleay : Bien, merci Sébastien. Une fois de plus, très instructif à tous les auditeurs. Merci d'avoir été là et si vous avez aimé cet épisode, on vous invite à le partager à votre entourage ou à donner votre avis sur la plateforme d'écoute Apple Spotify ou Google Balado. Merci! Et on se retrouve la semaine prochaine. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado à vos intérêts. Disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualité économique sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.
À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon
Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuillesCe balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.