Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts!. Mon nom est Ashleay et je suis vraiment fébrile aujourd'hui du sujet dont on va parler. J'ai la chance d'avoir pas un, mais bien deux invités pour échanger à propos des défis, des avantages, des opportunités des femmes dans le monde du marché des capitaux. Plus précisément, j'ai envie de savoir comment ça se passe pour une femme dans un monde majoritairement d'hommes. Alors, on commence. Aujourd'hui, j'ai avec moi Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe financier et Stéfanie Leduc, vice-présidente et chef de la dette privée. Alors, bonjour Stéphanie, bonjour Sébastien.
Sébastien : Salut tout le monde!
Stéfanie : Bonjour.
Ashleay : Alors, Stéfanie, quel est ton rôle chez iA?
Stéphanie : Oui, bien en fait, je suis chef de la dette privée, donc je m'occupe d'une équipe de sept personnes. Et cette équipe-là, dans le fond, est responsable de gérer un portefeuille de 4 milliards de dollars en dette privée. Et, aussi, depuis un an, iA a décidé d'être commanditaire de Women in Capital Markets et on m'a demandé d'être responsable de la relation entre Women in Capital Markets et iA.
Sébastien : Women in Capital Markets, juste pour monsieur et madame Tout-le-monde, qu'est- ce que ça mange en hiver?
Stéfanie : C'est une organisation qui essaye de sensibiliser les gens aux enjeux des femmes en finance.
Sébastien : Ok.
Ashleay : Là, justement, peux-tu nous brosser un portrait sur la place des femmes en finance?
Stéfanie : Oui, certainement. Écoute, il y a beaucoup d'efforts, je pense, qui ont été faits dans les dernières années pour augmenter la proportion des femmes en finance. Dans beaucoup d'endroits, dans les postes d'entrée, on retrouve environ 50-50 % de femmes et d'hommes. Donc, on est près de la parité.
Sébastien : Aujourd'hui, ça. Est-ce que ça fait longtemps que c'est 50-50 %, à l’entrée?
Stéfanie : Je pense que c'est depuis quelques années, mais c'est définitivement plus récent. C'est pas depuis 20 ans.
Sébastien : Ok, c'est si on se projette dans le passé, au début des années 2000, tu dirais que c'était quoi? C'était 3/4 hommes, 1/4 femmes? Quelque chose du genre?
Stéfanie : Écoute, je n'ai pas la statistique exacte. Moi où j'ai commencé, c'était un peu plus élevé, mais c'était une organisation qui était quand même différente du marché traditionnel de la finance.
Sébastien : Ok, ok.
Ashleay : Et si on va plus loin dans la hiérarchie, est-ce que le portrait est le même?
Stéfanie : Effectivement, c'est quand on monte dans la hiérarchie, les femmes sont moins susceptibles d'être promues que les hommes. Donc, on retrouve 35 % de gestionnaires qui sont des femmes. Et quand on va encore plus haut, chez les hauts dirigeants, c'est 20 à 25 % de proportion.
Sébastien : Comment t'expliques ça? Est-ce que la réalité des congés de maternité, et tout, est-ce que c'est ça qui fait la différence?
Stéfanie : Je pense que les congés de maternité, effectivement, il semble que selon certains sondages, les femmes semblent être pénalisées par les congés de maternité. Soit parce que quand elles reviennent, elles n'ont pas le même travail que quand elles ont quitté. Mais il y a définitivement d'autres éléments qui viennent expliquer. Je pense que les enjeux des femmes en finance, il y a une question d'attitude, de comportement. Donc, c'est un monde qui est définitivement plus masculin. Quand on veut être promu, normalement, il faut être visible, il faut être peut-être un peu plus ami avec la personne qui donne la promotion, qui est le gestionnaire. C'est peut-être plus difficile pour une femme que pour un homme d'avoir des affinités. Si tous les autres gestionnaires sont des hommes, ça devient plus difficile pour les femmes de se faire valoir. Il y a définitivement le contexte familial. Donc, une femme va généralement être plus, c'est encore vrai, je pense, que les femmes vont avoir une responsabilité plus grande dans la famille. Donc, ça devient difficile de concilier un métier qui est quand même assez exigeant. Et il y a aussi toute, c'est ça, toute la façon dont les processus sont faits, le système, c’est-à-dire comment on promeut les femmes, c'est quoi les critères qui font en sorte qu'on va récompenser nos employés, comment on les rémunère? Donc, est-ce que c'est seulement ceux qui demandent une augmentation salariale? Est-ce que c'est ceux qui négocient qui ont une augmentation? Les femmes, on sait qu'en général on a moins tendance à demander ou à réclamer. Donc, si on attend que les gens demandent une augmentation salariale, c'est sûr qu'on va avoir certains enjeux au niveau de l'équité.
Sébastien : Puis, ce que je trouvais intéressant que tu disais, c'était qu'à la porte d'entrée, c'est environ 50-50, donc il y a plus ou moins la parité, ça ne veut pas dire dans tous les sous-métiers, disons, des finances, de la finance, mais est-ce que les femmes sont moins attirées par de la progression, entre guillemets, dans dans la profession ou est-ce qu'elles sont, est-ce qu'elles quittent davantage le navire en cours de carrière?
Stéfanie : Je pense que les femmes sont tout autant ambitieuses que les hommes. C'est simplement une question de si on n'est pas en mode « prendre tout le crédit ou se vanter », ou on a tendance à donner le crédit à beaucoup plus de personnes que ce que la réalité est, eh bien, ça fait en sorte qu'on est, que les gens voient moins le travail qui est fait par la femme. Donc, je pense que c'est plus là-dessus. Sinon, c'est sûr que c'est peut-être un métier qui, c'est définitivement un métier qui est très exigeant, qui demande presque d'être ouvert 24 heures sur 24, là; la mentalité d'être disponible en tout temps. C'est pas tout le temps, nécessairement conciliable avec la réalité des femmes, et aussi de certains hommes en même temps.
Ashleay : Puis, il y a quelques biais inconscients, j'imagine, qui se forment au travers toute cette situation-là.
Stéfanie : Bien, oui, définitivement. C'est comment on voit une personne qui est, dans le fond, c'est la définition qu'on se donne d'une personne qui est performante. Si, pour un gestionnaire, une personne qui est performante, c'est quelqu'un qui parle avec confiance, peu importe les résultats qui sont, qui sont livrés, bien, on n'aura pas la même, la même façon de voir l'employé que si on regarde vraiment juste le résultat. Donc, si on est vraiment objectif dans la façon qu'on évalue les employés, là.
Ashleay : En quoi est-ce que la diversité des genres est un enjeu important? En quoi est-ce que ça va être important d'aller intégrer ça dans nos équipes pour le futur?
Stéfanie : Bien, 1) au niveau des individus, on a des femmes qui travaillent dans l'industrie. Est-ce qu'on peut les traiter de façon équitable, donc juste au niveau de la personne? Ensuite, au niveau des compagnies, c'est sûr que ça a un impact positif d'avoir une diversité d'employés. Là, je ne parle pas nécessairement juste de femmes, mais aussi une diversité qui est représentative de la population. Donc, ça améliore la prise de décisions. Ça va faire des entreprises qui vont être plus centrées sur le client. Aussi, les femmes en général donnent plus de support émotionnel à leurs collègues, donc c'est sûr que ça a un impact positif sur les employés. Puis, mon expérience personnelle aussi, c'est qu'il y a des équipes qui sont équilibrées, ont une dynamique tellement plus intéressante que quand c'est trop orienté d'un seul côté.
Sébastien : Mais je suis complètement d'accord avec toi et pour la dynamique d'équipe, c'est important les questions qu'on se pose collectivement. Plus il y a de diversité, mieux c'est. Et là, on parle diversité des genres aussi, mais des pays d'origine aussi. C'est très important. Des groupes d'âge aussi. C'est un, c'est un aspect qui est important. Puis, un exemple, moi, ma femme est enseignante au secondaire, puis elle enseigne la planification financière, la gestion financière à des jeunes. Puis ce qu'elle me dit, ce qu'elle remarque depuis plusieurs années, c'est, vous savez, au secondaire cinq, quand on fait la gestion financière, à un moment donné, il y a toujours l'exercice qu'on va faire, une stimulation boursière. Là, les petits gars sont excités par ça. Les petites filles, ça les intéresse peu en général. Puis, quand c'est le temps de parler des sujets comme la gestion des risques, les petits gars, ça les intéresse moins, puis les filles, ça les intéresse plus. Donc, chaque personne est différente bien sûr, mais il y a des, il y a des choses qu'on amène par qui on est dans une équipe qui est différente, qui peut faire en sorte que des équipes, je pense que ça a été démontré dans le passé aussi, que les équipes qui sont plus variées, même quand on va jusqu'à la direction d'une entreprise, la présence des femmes sur les conseils d'administration, chez les vice-présidents exécutifs, ça fait en sorte que des […]. La gouvernance est favorisée, disons, quand il y a une bonne diversité. Est-ce que c'est quelque chose que, est-ce que c’est quelque chose que tu remarques ou que tu supportes aussi?
Stéfanie : Oui, définitivement. Je pense que ça amène des points de vue différents. Ça peut juste être positif pour l'entreprise.
Sébastien : Puis les organisations sont sensibilisées de plus en plus à ça. Maintenant, quand on parle de ESG, l'aspect gouvernance, le G, que je trouve qu'on laisse beaucoup trop de côté, mais il y a beaucoup ce morceau-là, la place des femmes dans la structure hiérarchique décisionnelle des entreprises, les organisations, selon toi, est-ce qu'elles en font assez? Puis qu'est-ce qu'elles peuvent faire même pour améliorer la situation, du moins favoriser la diversité des genres?
Stéfanie : Quand on regarde les chiffres, on pourrait dire que non, mais il y a définitivement beaucoup d'initiatives qui ont été mises dans différentes, dans la majorité des entreprises. Peut- être que c'est que les initiatives n'ont pas l'impact qu'elles devraient avoir. Donc, quand on regarde ce qui est fait, en général, on parle de mentorat, on parle de formation pour les femmes, on parle beaucoup.
Sébastien : Des quotas d'embauche, on en entend parler parfois avec raison.
Stéfanie : Effectivement, des quotas d'embauche ou offrir plus de flexibilité au travail. Ces initiatives-là, en général, c'est une très bonne volonté, un très bon, une bonne façon de s'impliquer dans la cause. Par contre, si on parle de quotas d'embauche, bien là, il y a des fois, ça peut parfois donner l'impression qu'il y a un traitement qui est préférentiel. Donc, la femme qui se retrouve à avoir une promotion peut se demander : est-ce que je l'ai reçue parce que je suis une femme ou parce que je suis compétente?
Sébastien : Oui.
Stéfanie : Donc il y a des, il y a aussi des revers à certaines mesures qu'il faut, je pense faire attention, là.
Sébastien : Donc, on est, on est sur la bonne voie, mais on n'est pas rendu au bout du chemin, encore, là.
Stéfanie : Je pense que non. Mais définitivement, des organismes comme Women in Capital Markets qui aident à trouver des solutions, à trouver des façons de faire pour qu'il y ait juste des impacts positifs, pas seulement, pas les impacts négatifs.
Sébastien : Ok, ça, c'est intéressant. Women in Capital Markets, c'est une initiative chez iA Groupe financier. On croit, on croit beaucoup. Est-ce que tu pourrais donner un peu, quelques détails sur ce que ça fait et les impacts que ça peut avoir?
Stéfanie : Oui, définitivement. Dans le fond, Women in Capital Market, sa mission se décompose en trois éléments. Le premier, c'est amplifier le talent, donc s'assurer qu'il y a des femmes qui sont intéressées par la profession et que les femmes qui sont dans la profession ont tous les outils pour bien performer. Le deuxième point : améliorer la compréhension des enjeux. Un des exemples, c'est par des sondages qu'ils ont faits. Donc, je vous donne peut-être quelques statistiques sur un sondage qui a été fait auprès de personnes dans l'industrie. Seulement, dans ce sondage-là, seulement 50 % des femmes se sentaient traitées de façon équitable comparée aux hommes, comparativement aux hommes qui, eux, c'est 75 % qui se sentent traités de façon équitable par rapport aux femmes. Trente-quatre pour cent des femmes trouvent qu'elles sont payées de manière équitable comparée aux hommes. Donc, c'est très peu comme proportion. Soixante-huit pour cent des femmes qui sont en début ou en milieu de carrière, qui ont pris un congé de maternité, ont eu un impact négatif sur leur carrière par la suite.
Sébastien : Donc, c'est des morceaux qui sont importants, C'est, ça vient mettre vraiment des chiffres, puis la loupe, sur des enjeux qui semblaient théoriques, qu'on a discutés un peu avant. Tu sais, l'importance de la femme dans son milieu familial a un impact sur sa carrière, puis les femmes ne doivent pas être pénalisées pour ça. Mais on voit que c'est, là, c'est répandu et c'est pas quelques cas : 68 %, c'est quand même important, non?
Stéfanie : Oui. Oui, effectivement. Puis je pense que ce qui est intéressant dans l'approche de Women in Capital Markets, c'est toute l'approche de on n’essaye pas de réparer la femme, on n’essaye pas de la changer pour qu'elle puisse cadrer dans le système, mais au contraire c'est le système qu'il faut aller modifier, donc mettre en place des programmes d'équité salariale, implanter des systèmes de rétroaction ou de promotion qui sont basés sur les résultats et non pas sur les perceptions, s'assurer d'allouer des opportunités de façon plus équitable et aussi être beaucoup plus transparent dans tout le mécanisme de promotion.
Ashleay : Puis, en bout de ligne, finalement, les initiatives sont aussi bénéfiques pour les hommes que pour les femmes. Donc, c'est le fun, parce que ça va aller chercher tout le monde, là-dedans.
Stéfanie : Définitivement. Dans le fond, on essaye de rendre le système le plus objectif possible. C'est bon pour tout le monde, effectivement.
Ashleay : Exact. Et, Stéphanie, est-ce que tu aurais des conseils à donner aux femmes qui nous écoutent présentement?
Stéfanie : Certainement. Je pense que c'est important de ne pas avoir peur. On est souvent nous-même notre propre ennemi. Donc, ayez confiance en vous, vous êtes bonnes. Il ne faut pas avoir peur de demander, faut pas avoir peur de prendre la place qui nous revient, il ne faut pas avoir peur d'être visible.
Ashleay : Et de prendre le crédit aussi qui nous revient. Des fois, on a tendance à passer ça un petit peu. Alors, c'est super! Merci beaucoup Stéphanie. Merci Sébastien. J'ai vraiment aimé l'échange, ça m'a transportée vers votre univers. Alors, pour les auditeurs, j'espère que vous avez apprécié le balado. Si vous avez apprécié, n’hésitez pas à le partager et à donner votre avis. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée et on se parle la semaine prochaine. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts! disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.
À propos
Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.
Sébastien Mc Mahon et Stéfanie Leduc
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