Les tendances en investissement durable en 2023

Les investissements axés sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) prennent de plus en plus de place dans le cœur des investisseurs. 99 % des milléniaux (âgés de 26 à 41 ans) et 79 % de la population générale se disent plutôt intéressés ou très intéressés. Sébastien Mc Mahon s’entretient avec Maggie Childe, vice-présidente, cheffe de l'investissement durable pour iA Gestion de Placements. Au-delà d’une tendance, quand investir pour demain prend tout son sens.

Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts! de iA Groupe financier. Mon nom est Ashleay et encore cette semaine, je suis très contente de partager un moment avec mes deux collègues sur un sujet qui est très d'actualité, donc les tendances en investissement durable en 2023. C'est vraiment un sujet de l'heure qui suscite beaucoup de questions. On a d'ailleurs fait un premier épisode le 5 juillet dernier et on a reçu beaucoup de questions. Donc on s'est dit qu'on essaierait d'y répondre, mais cette fois avec une invitée qui s'y connaît plutôt bien : Maggie Childe, chef de l'investissement durable ici chez iA Groupe financier. Et bien sûr, j'ai mon collègue Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste senior chez iA Groupe financier. Alors, bonjour, Maggie, bonjour, Sébastien.

Maggie : Bonjour, Ashleay.

Sébastien : Bien, bonjour.

Ashleay : Bonjour. Alors Maggie, peut-être que tu peux nous parler de ton parcours et de ce que ça fait, la chef de l'investissement durable au quotidien.

Maggie : Oui, c'est ça, je suis chef d'investissement durable chez iA depuis 2022 et je monte progressivement un programme de finance durable au sein de l'équipe de gestion. Je suis spécialiste du ESG depuis plus de dix ans et cela après un début de carrière dans l'industrie financière. Et mon rôle, à vrai dire, ça consiste à beaucoup de choses. Ça dépend de comment on aborde le sujet. En démarrant, il y a toujours une phase d'éducation, de sensibilisation, de décodage, parce qu'à la fin de la journée, on parle beaucoup de jargon, mais en fait, c'est des sujets assez concrets. Sur le E, par exemple, c'est les sujets d'énergie et de consommation de matières premières, les déchets. Sur le S, c'est l'attraction et la rétention des talents, la diversité, les conditions de travail, la santé et la sécurité par exemple. Pour le G, c'est la qualité du conseil d'administration, c'est la culture, le plan de compensation et d'autres. Et donc pour nous, chez iA, notre approche, dès le départ, c'était de nous concentrer sur les sujets matériels. Et c'est-à-dire que c'est là où on a de l'impact important sur la société ou l'environnement, et on a une contribution potentielle, soit négative ou positive, à travers nos investissements.

Ashleay : Absolument.

Sébastien : Puis on est des gestionnaires d'actifs. La façon dont on investit l'argent de nos clients, puis l'argent de la compagnie aussi, ça peut avoir un impact important sur la biodiversité, sur le futur de notre planète, de notre société. Donc quand on parle de ESG, puis Maggie, juste pour placer les choses, ESG, ce sont des critères, puis ultimement on utilise ces critères-là pour faire de l'investissement ou de la finance durable. C'est bien ça?

Maggie : Oui, c'est ça. Alors juste pour expliquer un peu mieux mon rôle au quotidien, je travaille vraiment main dans la main avec les équipes d'investissement. Je me concentre à faire monter le niveau de compréhension, de connaissances des équipes sur les sujets ESG en leur donnant des outils, des cadres pour qu'ils intègrent les facteurs ESG à leurs pratiques d'investissement au quotidien, c'est le but. Mais aussi, il y a un programme d'engagement pour nous qui gagne en ampleur, où on travaille avec les sociétés dans lesquelles on investit d'une manière individuelle. Et au-delà de ça, il y a des thématiques qui nous sont très chères aussi, comme la transition climatique ou bien la diversité, l'égalité et la gérance. Tous ces sujets-là, ça contribue à la performance positive sur le long terme.

Sébastien : Quand tu parlais d'outils, ton but, ton travail, c'est de structurer la réflexion puis d'aboutir à de meilleures pratiques. Peux-tu donner un exemple d'outils que tu fournis aux gestionnaires pour leur faciliter l'intégration de ces critères-là au quotidien?

Maggie : Par exemple, un outil, ça serait de mettre en place un outil avec des données ESG pour que le gérant puisse mieux comprendre son univers d'investissement et pour mieux dégager là où il y a peut-être des problèmes à explorer.

Sébastien : OK, donc on peut, il y a des firmes qui fournissent des données compagnie par compagnie. Mais je pense qu'il y a même des scores ESG, on peut dire que telle entreprise a un score positif, plus élevé, moins élevé sur son respect de l'environnement, le S des enjeux sociaux, les enjeux de gouvernance, puis ça peut influencer la décision d'un investisseur.

Maggie : Oui, c'est ça. Mais je dirais aussi qu'on va directement à l'entreprise pour récolter les informations et pour faire une analyse ESG. Donc, il y a une base de données dont on se sert, c'est vrai, mais aussi il faut aller directement chez l'entreprise pour avoir ces informations-là.

Sébastien : OK.

Ashleay : Et puis il y a un mot qui revient souvent, on l'entend peut-être plus en anglais, donc le greenwashing ou l'écoblanchiment. Est-ce que c'est possible de nous définir ce que c'est?

Maggie : Oui, donc c'est un problème pour notre industrie en ce moment, mais il faut comprendre qu'il n’y avait aucune contrainte dans l'investissement durable quand tout cela a démarré. Et il y a eu une demande très forte pour l'investissement durable. Il y a beaucoup de différentes approches et de terminologie dans ce domaine, ce qui fait que les documents d'offre et de marketing ambigus pourraient faire étiqueter les gestionnaires de fonds comme faisant de l'écoblanchiment, comme tu dis. C'est-à-dire qu'ils fournissent de l'information, des déclarations trompeuses sur les pratiques, le rendement, les produits ou même les types de compétences qu'ils ont.

Ashleay : Je comprends. Et où va la finance durable? Pourquoi est-ce que c'est important pour les gens?

Maggie : Oui, c'est une bonne question. Je pense qu'on doit d'abord examiner ce que c'est que le développement durable. Une définition souvent citée est celle proposée par la Commission Brundtland, qui dit que le développement durable répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures pour répondre à leurs propres besoins. Mais ce n'est pas évident à mettre en pratique. Je vous explique un peu pourquoi et pourquoi ça nous ramène à la finance durable. Deux concepts fondamentaux et connexes dans le système financier sont ceux du stock et du flux, et un stock est tout ce qui peut être utilisé pour générer un flux futur. Sébastien, tout ça, tu le connais très bien, mais nous, on a des problèmes, vraiment, avec la quantification des flux que des stocks. Donc par exemple, la mesure la plus courante du succès des économies nationales et le produit intérieur brut, c'est un concept de flux. Alors lorsqu'on essaie d'évaluer un stock ou un actif sociétal comme la valeur monétaire de tous les services écosystémiques dans le monde, ça devient maintenant très difficile de valoriser ces stocks-là parce qu'on perd le point de référence fourni par les transactions marchandes ou financières. On n'a pas le côté offre et demande. Donc la finance durable, en fait, c'est un effort pour évaluer la durabilité des flux et nous devons veiller à identifier tous les flux, y compris les services reçus du capital naturel, du capital humain, par exemple, et les biens intangibles qui sont maintenant des externalités dans le système financier.

Sébastien : Donc, comme tu dis, les flux versus les stocks, c'est les décisions qu'on prend comme société chaque année, il y a un impact qui s'accumule avec le temps, puis même ça s'accumule lentement. On peut quand même déceler une tendance que c'est le temps de changer certaines pratiques pour s'assurer que les générations futures puissent bénéficier de la même biodiversité et de la même richesse que la Terre nous offre aujourd'hui.

Maggie : Oui, donc ça c'est pour la société, et juste pour donner des chiffres et démontrer l'ampleur, il y a entre cent-vingt et cent cinquante mille milliards de capitaux investis sur le marché. Or, la taille de l'économie mondiale est d'environ soixante-dix à soixante-quinze mille milliards en termes de production annuelle. Donc, ça montre vraiment la façon dont ce mur d'argent investi dans l'économie est essentiel pour diriger l'activité de l'économie réelle. Donc ça, c'est pour la société, mais aussi pour l'entreprise unique, si vous avez une durabilité forte et bien établie, la logique, c'est que vous devrez avoir des flux de trésorerie plus importants sur le long terme, car vous gérez mieux les risques et vous identifiez mieux les opportunités et cela conduira à une base d'investisseurs plus large, un coût du capital plus faible et une augmentation de la valeur de l'entreprise sur le long terme. Donc, troisièmement, pour les investisseurs, pourquoi est-ce important? Il y a deux points importants à retenir. Premièrement, la thèse, c'est que les équipes de gestion de placements peuvent mieux déterminer et gérer les risques et les occasions que représentent les facteurs ESG pour leur portefeuille sur le long terme. Et deuxièmement, c'est important pour nos clients. En Amérique du Nord, ça bouge beaucoup depuis quelques années. Les clients veulent savoir comment le ESG impacte la prise de décision d'investissement, l'exposition du portefeuille dans lequel ils vont aller et le volume des questions augmente, mais aussi la pertinence des questions s'affirme. Donc le niveau de compréhension et d'intérêt augmente, mais ça reste encore disparate, je dirais. Mais on fait un lien maintenant entre l'investissement durable et un levier de création, de protection de valeur.

Sébastien : Puis c'est quelque chose auquel tu as touché, là, ici, le secteur financier, les gestionnaires d'actifs comme nous, on est plus ou moins la courroie de transmission de l'économie parce que c'est l'allocation du capital dans l'économie. Donc, les objectifs sociaux, environnementaux qui viennent même de la classe politique et les préférences de la population, c'est important que la finance soit alignée avec ces objectifs-là. Donc comment est-ce qu'on peut faire pour favoriser les chances d'atteindre ces objectifs-là? Puis il y a plusieurs façons de faire, puis j'aimerais t'entendre sur la façon dont les gestionnaires de portefeuille chez iA Groupe financier l'intègrent, parce qu'on entend des fois dans l'industrie que, ben, on n’investit simplement plus dans le secteur énergétique canadien parce que ça pollue. Mais c'est peut-être une réponse un peu simpliste.

Maggie : Oui, c'est ça. Il y a plusieurs approches qu'on peut prendre avec l'investissement durable. Il y a par exemple le filtrage négatif, ce dont tu parles, le filtrage positif, l'intégration des facteurs ESG, c’est ce qu'on fait chez iA, et c'est une approche très commune, l'engagement des actionnaires aussi, l'investissement thématique et l'investissement d'impact. Les définitions sont très bien expliquées sur le site Web de l'Association pour l'investissement responsable au Canada. Je dirais que c'est une très bonne ressource pour nos écouteurs, mais je dirais que les approches les plus communes, c'est l'intégration des facteurs ESG et l'engagement, et brièvement pour l'intégration des facteurs ESG, c'est une approche pour mieux déterminer et gérer les risques et les occasions que représentent les facteurs ESG, et cela, à mon avis, devrait s'appliquer à tous les investissements, pas seulement les produits ESG. C'est très important. C'est ce que fait un bon gestionnaire dans tous les cas. Et l'engagement, c'est la même chose. Par exemple, pour un bon gestionnaire, quand on engage avec une entreprise sur les points importants ESG, cela peut mener à construire une feuille de route avec des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Et en tant qu'investisseur, on peut voir comment ces thématiques-là se décomposent en plans d'action et progressent au fur et à mesure. Et on les écoute, aussi, les entreprises, on est partenaires et c'est eux qui gèrent l'entreprise. Mais je dirais, juste pour les approches, juste pour terminer, il y a aussi les approches qu'on parle pour les produits d'investissement ESG, pour les fonds ESG, et je décrirais trois approches principales. Premièrement, on peut avoir une approche qui se focalise sur les entreprises qui n'ont pas forcément une activité durable, mais qui agissent de manière durable, par exemple en s'attachant à avoir une politique de ressources humaines qui comprend l'inclusion et la parité homme-femme. Et donc pour ça, c'est plutôt un filtrage best in class où on choisit les entreprises avec les meilleures pratiques ESG dans leur industrie. Une seconde approche consiste au contraire à préférer les entreprises ayant une activité contributive à une thématique particulière. Très souvent, c'est l'environnement et les activités vertes qui sont visés, par exemple, une entreprise spécialisée dans le recyclage des déchets. Et finalement, la troisième approche, ce serait le filtrage négatif. Et là, ça consiste à choisir un ou plusieurs enjeux de durabilité pour lesquels on veut éviter les impacts négatifs, par exemple en excluant le tabac ou bien…

Ashleay : Les armes ou des choses comme ça.

Sébastien : OK, puis tu disais d'entrée de jeu que ça faisait dix ans que tu étais active dans le domaine. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de progrès en dix ans? Puis en même temps, si tu te projettes dix ans dans le futur, quel genre de progrès t'attends-tu à voir dans le terme d'investissement responsable?

Maggie : Oui, donc je dirais que ça bouge beaucoup. Je dirais que ça devient de plus en plus complexe, de plus en plus technique. Il y a plus de réglementation aussi dans ce domaine, parce que l’on comprend plus les enjeux, pourquoi c'est important, pourquoi on doit comprendre la transition climatique et d'autres enjeux ESG.

Ashleay : Excellent, et puis je pense qu'il y a aussi la COP15, donc la biodiversité qui a été discutée il y a quelques mois, quelques mois, quelques semaines, tu peux peut-être me le dire.

Maggie : Quelques semaines.

Ashleay : Ça ne fait pas si longtemps, donc peut-être que tu peux nous en parler un petit peu plus?

Maggie : Je suis très excitée pour la COP15 parce que finalement, on a une cible pour le monde entier pour la biodiversité. Auparavant, on ne l'avait pas, donc juste comme le climat, on a la cible de maintenir les températures en dessous de 1,5 degré. Pour la biodiversité, maintenant après la COP15, la cible c'est de maintenir 30 % de nos ressources de biodiversité dans le monde entier.

Ashleay : Wow, ça fait quand même une très belle différence. Un bel objectif pour les générations futures aussi.

Maggie : C'est ça!

Ashleay : Excellent! Maggie, Sébastien, je vous remercie pour votre partage de connaissances. Les auditeurs, encore une fois, merci d'avoir été avec nous. J'espère qu'on a apporté quelques précisions et n'hésitez pas à nous écrire si vous avez des commentaires ou des suggestions. On adore ça vous lire! Alors on se dit à la semaine prochaine! Bonne journée tout le monde!

Sébastien : Bye bye!

Maggie : Merci tellement!

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À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon et Maggie Childe

Ce balado ne doit pas être copié ou reproduit. Les opinions exprimées dans ce balado reposent sur les conditions actuelles de marché et peuvent changer sans préavis. Elles ne visent nullement à fournir des conseils en matière de placement. Les prévisions données dans ce balado ne sont pas des garanties de rendement. Elles impliquent des risques, des incertitudes et des hypothèses. Bien que ces hypothèses nous paraissent raisonnables, il n’y a aucune assurance qu’elles se confirment.

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