Doit-on craindre la récession?

La Bourse s’enflamme, l’inflation est élevée, les taux d'intérêt sont en hausse. Arrivons-nous en récession? Qu’est-ce qui définit une récession? Quels sont les impacts directs? Et surtout, devons-nous la craindre? On en discute avec Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe financier.

Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts de iA Groupe financier dans lequel on discute de l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances en moins de dix minutes. On entend beaucoup d'inquiétudes à propos d'une récession ces temps-ci. Le moment semble bien choisi de poser la question. Arrivons-nous en récession? Qu'est-ce qui définit une récession? Et surtout, devons-nous la craindre? Mon nom est Ashley. Je suis en compagnie de mon collègue Sébastien Mc Mahon, notre stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe Financier. Bonjour Sébastien.

Sébastien : Bonjour Ashley.

Ashleay : Tout d'abord Sébastien, situons nos auditeurs, qu'est-ce qu'une récession?

Sébastien : Vous allez peut-être être surpris, mais il n'y a pas de définition simple et claire de ce qu'est une récession. Je vous dirais dans les cours d'économie à l'université, on nous enseignait que deux trimestres consécutifs de contraction de l'économie, deux trimestres consécutifs ou le chiffre de croissance du PIB était négatif, bien dans un pays, dans une province, dans une région, ça voulait dire qu'on avait une récession. Mais dans les faits, la question est un peu plus complexe. On définit une récession comme un ralentissement significatif de l'activité à travers l'économie et puis qui dure quelques mois. Donc ça doit être visible dans le marché du travail, dans la production des industries, dans les revenus des ménages, dans les dépenses de consommation et toutes les autres variables économiques typiques qu'on suit dans les nouvelles. On donne le mandat à une espèce de comité de sages qui au Canada c'est l'Institut C.D. Howe de déterminer les dates officielles de début et de fin des récessions. Et aux États-Unis, c'est la même chose. Il y a un organisme, le NBER, le National Bureau of Economic Research, qui est en charge d'identifier les points de départ et puis les fins des récessions. Et puis souvent, par contre, ce qui est paradoxal, c'est que lorsque les dates officielles sont annoncées, lorsqu'aux nouvelles, vous voyez, le Canada est officiellement en récession, on est généralement vers la fin de la récession ou même, des fois, la récession est déjà terminée avant qu'on n'ait pu observer dans les données suffisamment de conditions, et puis qu'on donne vraiment une date de début, puis une date de fin qui sont officielles. Donc, je vous dirais qu'une récession, ce n'est jamais agréable, surtout pour ceux qui perdent leur emploi, mais sont une partie nécessaire, essentielle, d'un cycle économique.

Ashleay : D'accord. Et qu'est-ce qui cause les récessions? J'imagine qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent y contribuer.

Sébastien : Oui, tout à fait. Les récessions ont à peu près toutes leur propre histoire. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent causer des récessions. Donc, dans l'histoire, par exemple, on peut avoir des chocs économiques comme une catastrophe naturelle, une pandémie. On a eu un très bon exemple récemment, une attaque terroriste comme en 2001. Cela avait fait plonger, le 11 septembre avait fait plonger l'économie américaine en période de récession. Perte de confiance des consommateurs, donc, lorsque le cycle économique dure depuis un petit bout de temps. Mais à un certain moment, la confiance commence à s'estomper. Donc le fait que plusieurs consommateurs commencent à anticiper la fin du cycle économique fait en sorte qu'ils changent leurs habitudes de consommation. Plus de prudence, puis la perte de confiance s'amplifie et ça peut souvent être suffisant pour créer une récession. Il y a aussi du côté des taux d'intérêt. Donc une hausse des taux d'intérêt prononcée fait en sorte que c'est plus dispendieux pour les consommateurs et les entreprises d'emprunter de l'argent pour des projets pour des dépenses d'investissement, ce qui fait en sorte que l'économie peut ralentir et ça peut faire basculer l'économie en récession. Peut-être aussi de la déflation. On entend beaucoup parler d'inflation ces temps-ci, mais un pays comme le Japon, qui est pris avec de la déflation depuis un petit bout. En clair, c'est si les prix ont tendance à chuter avec le temps chaque année, donc ça fait en sorte que les gens ont tendance à attendre un peu plus longtemps en espérant d'avoir des prix plus bas dans le futur. Ce qui fait en sorte qu'on a moins d'activité économique. Ça peut faire une espèce de spirale qui nous amène à une récession. Puis d'autres exemples? En 2000, on avait un éclatement de la bulle des Dotcom comme on disait en anglais, donc les titres technologiques. En 2008, c'est l'éclatement de la bulle immobilière. Ce sont toutes des recettes qu'on a vues dans le passé qui ont pu pousser l'économie en récession.

Ashleay : Je comprends. Puis est-ce qu'on peut avoir des caractéristiques spécifiques, encore plus d'une récession?

Sébastien : Oui, tout à fait. Il n'y a pas deux récessions qui sont identiques. Là ici je vais vous citer peut-être des données américaines parce qu'on peut aller jusqu'au milieu du XIXᵉ siècle, au milieu des années 1800, pour observer le comportement typique d'une récession. Je vous dirais que depuis les années 1850, la récession moyenne dure environ dix-sept mois. Donc c'est presque un an et demi. La plus courte de l'histoire cela a été la plus récente, en 2020, qui est une récession qui a duré deux mois. Puis la plus longue s'est étirée de 1873 à 1879, donc plus de cinq ans. En termes de fréquence, si on regarde juste les cent dernières années on a vu dix-sept récessions aux États-Unis, donc une en moyenne tous les six ans. Donc c'est normal de voir des récessions. C'est une fréquence de six ans. C'est tout à fait selon l'historique. Puis dans une récession typique, mais si on fait le film d'une récession typique, habituellement, on voit les dépenses de consommation, puis les dépenses d'investissement des entreprises, qui sont les premiers à montrer des signes de faiblesse. Avec un ralentissement de la demande, les entreprises commencent à produire de moins en moins de biens services, ce qui mène à des coupures d'emplois, ce qui fait baisser les revenus des ménages. Ensuite de ça, les banques centrales comme la Banque du Canada chez nous, la Réserve fédérale aux États-Unis, ont tendance à abaisser les taux d'intérêt pour stimuler la demande. Puis, à un certain moment, la confiance des ménages et des entreprises trouve un creux. La baisse des coûts d'emprunt sert de catalyseur. Puis on a le début d'un nouveau cycle économique, ce qui met officiellement fin à la récession. Ashleay : Je comprends. Et si on parle de récession qui arrive aux six ans finalement, il y en a qui sont plus médiatisées que d'autres cela veut dire?

Sébastien : Oui, il y a des récessions qui sont beaucoup pires que d'autres. 2020, on en a entendu parler beaucoup, 2008, début des années 2000. Je ne suis pas sûr que c'est tout le monde ici qui se rappelle qu'on a eu une petite récession au début des années 2000.

Ashleay : Absolument. Puis les impacts directs d'une récession, bon on parlait un petit peu de pertes d'emplois, les ménages et tout. Qu'est-ce qu'il y a d'autre comme impact?

Sébastien : Bien le taux de chômage, c'est ce qui touche le plus les gens en période de récession. Regardez sur une base historique. Puis en moyenne le taux de chômage augmente de 3.6 %. Ça peut être un peu moins, ça peut être beaucoup plus. Comme en 2020, le taux de chômage a augmenté de façon assez importante pour une période de courte durée, mais quand même le taux de chômage, c'est ce qui est important. Et puis le chômage, ça peut créer des dommages de long terme parce que ce n'est pas tout le monde qui va se replacer. Après, il y a certaines entreprises qui font faillite. Il y a de nouvelles industries qui émergent. Il y a certains chômeurs qui vont devoir aller chercher une nouvelle formation ou même se déplacer dans une autre région, une autre province ou même un autre pays pour se retrouver du travail dans leur spécialisation. Donc, le chômage est un morceau important. Puis bien sûr vu qu'on parle souvent des marchés bien une récession, ça a tendance à créer des marchés baissiers, donc un recul d'environ 30 % en moyenne dans un marché baissier. Et ça, c'est un enjeu important pour les gens qui sont à la retraite et qui doivent décaisser. Donc ça réduit la taille du capital de façon expéditive. Il y a peut-être des stratégies pour contourner cela, utiliser des marges de crédit, mais quand même, quand on est à la retraite et qu'il y a une récession puis il faut sortir notre argent, bien là, on vend nos actions au rabais.

Ashleay : Et doit-on craindre une récession au Canada dans les douze prochains mois?

Sébastien : Eh bien, ce n'est pas notre scénario de base en date du moment où on enregistre donc en août 2022, mais c'est envisageable. Donc, je vous dirais que les chances d'une récession d'ici la fin 2023, selon nos analyses à nous, c'est d'environ 40 %. Donc c'est quand même significatif, mais ce n’est pas le scénario de base. Ce qui veut dire c'est pas plus de 50 % de probabilités selon nous. Notre marché du travail au Canada, c'est une force. La vigueur du secteur extérieur, via les prix des ressources naturelles aussi supporte l'économie canadienne. Donc on pense qu’elle pourrait être capable de naviguer, puis d'éviter de tomber en récession. Mais quand même, un facteur de risque important qu'on a maintenant, c'est la sensibilité de l'économie canadienne aux taux d'intérêt. Vous savez, l'immobilier canadien maintenant, c'est 10 % de l'économie canadienne. C'était environ 7 % avant la pandémie. Par comparaison, c'est deux fois l'importance du côté des États-Unis, donc le resserrement du taux d'intérêt, du taux directeur par la Banque du Canada, bien, ça crée bien sûr un risque important pour l'économie canadienne. Chez nos voisins du Sud, je pense que les probabilités de récession sont plus élevées. L'incidence d'une récession américaine est très importante sur les marchés financiers. Donc, la volatilité au cours des prochains douze à dix-huit mois sur les marchés, c'est quelque chose qu'on pourrait voir. Donc une bonne dose de volatilité à venir encore dans les mois à venir, ça c'est notre pronostic.

Ashleay : Excellent. Alors on garde un œil là-dessus. Merci beaucoup Sébastien.

Sébastien : Merci Ashley.

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À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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