Royaume-Uni – Réduire les taxes pour les riches ou pas?

Au-delà de ce débat qui a fait l’actualité, nous décortiquons cette semaine la situation économique au Royaume-Uni, où inflation, crise énergétique et taux d’intérêt sèment la pagaille!

Ashleay : Bienvenue au balado À vos intérêts de iA Groupe financier, dans lequel on discute de l'essentiel de l'actualité économique et de ses impacts sur vos finances en moins de dix minutes. Le gouvernement du Royaume-Uni a fait beaucoup jaser cette semaine. Alors, qu'est-ce qu'on devrait savoir? Qu'est-ce qu'on devrait en retenir? On dirait qu'ils sont en train d'accélérer tout en freinant. Mon nom et Ashleay. Je suis en compagnie de mon collègue Sébastien Mc Mahon, notre stratège en chef et économiste sénior chez iA Groupe financier. Bonjour Sébastien.

Sébastien : Bonjour Ashleay.

Ashleay : Donc, ça a fait beaucoup jaser comme on en a discuté. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu plus sur la situation actuelle?

Sébastien : Oui, tout à fait. Le Royaume-Uni, dans le moment, c'est plus ou moins le laboratoire économique de la planète. Parce que vous savez tous, vous suivez les nouvelles, on a les banques centrales, la Banque du Canada, chez nous, la Réserve fédérale aux États-Unis et la Banque d'Angleterre au Royaume-Uni. À peu près toutes les banques centrales de la planète sont en train de travailler très fort pour contenir l'inflation. Donc, l'inflation, qui est l'effet secondaire principal de tout ce qui est de « l'après-COVID ». Donc, l'inflation est un enjeu chez nous et est un enjeu au Royaume-Uni. Puis la Banque d'Angleterre, paradoxalement, c'est une des banques centrales qui ont été les plus claires depuis le début de ces hausses de taux là. Elle a dit à la population, l'a très bien communiqué, qu'elle va hausser les taux d'intérêt suffisamment pour ramener l'inflation à la cible, mais que pour faire ça, ça allait causer une récession. Donc, dans ses propres prévisions à elle, quand elle annonçait qu'elle montait les taux, elle disait : « Il y a une récession qui s'en vient. » Donc, le Royaume-Uni est un peu dans une situation particulière quand on regarde avec nos yeux de Nord-Américains. C'est qu'en Europe, on inclut le Royaume-Uni ici dans l'Europe, avec l'Union européenne, on est aux prises avec une crise énergétique. Donc, si vous avez suivi les nouvelles, vous savez que la Russie a envahi l'Ukraine, récemment. Puis ça a poussé les prix des ressources naturelles à la hausse, surtout le gaz naturel. Le prix du pétrole aussi. Mais là, en Europe, on a une forte dépendance au gaz naturel pour générer de l'électricité. Donc, tous les pays de l'Europe de l'Ouest, les résidents du Royaume-Uni, sont durement touchés. Puis, même une statistique intéressante qu'on entendait, c'était que le ménage anglais moyen avait vécu une perte de 8 % de son pouvoir d'achat. Donc, imaginez un ménage qui a un revenu de 100 000 $ net par année, c'est comme si on avait 8 000 $ qui étaient amputés du budget, directement liés à la hausse des prix de l'énergie. Donc, c'est énorme, c'est inflationniste. Et aussi bien les effets des hausses de coûts pour les producteurs et pour les biens, puis pour les services, bien on refile la facture aux consommateurs. Donc, le problème d'inflation au Royaume-Uni est encore pire que chez nous. Donc, on voit cette situation-là. La Banque centrale d'Angleterre fait ce qu'elle peut pour ramener l'inflation à la cible. Ça, c'est un côté. Mais l'autre côté, comme si les deux morceaux du gouvernement ne se parlaient pas, le gouvernement, la politique fiscale, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont mis en place, une politique, une de plafonds aux prix des factures d'énergie pour les ménages pour deux ans, avec un coût d'une centaine de milliards de livres sterling. Puis ça, cet argent-là, bien le gouvernement, il faut qu'il l'emprunte sur les marchés. Ça crée des enjeux. Mais aussi, le gouvernement, par sa politique fiscale, essaie de donner un petit peu d'air aux ménages. Donc, on coupe les impôts, on veut renvoyer de l'argent aux ménages, aux entreprises. Puis là, le constat que les marchés ont, c'est OK, on va aboutir où avec tout ça? D'un côté, tu as la Banque centrale qui pèse à deux pieds sur le frein, puis tu as le gouvernement qui, de l'autre côté, pèse à deux pieds sur l'accélérateur. On arrive où? D'où la confusion, mais d'où la petite panique dont on a entendu parler au cours des derniers jours.

Ashleay : OK. Et puis, si je peux me permettre, on parlait de 8 % avec les revenus qui a été amputé. Juste pour comparer, mettons ici, en Amérique du Nord, ça ressemble à quoi le pourcentage de notre côté?

Sébastien : J'aimerais ça avoir une réponse pour toi Ashleay, mais je n'ai pas exactement ce chiffre-là. Mais en Allemagne, qui est aussi frappée par la même crise énergétique, on parle de 4 %. Donc, au Royaume-Uni, c'est beaucoup plus. Et il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni, récemment, cet été, le gouvernement était sorti pour dire que la facture d'énergie et de services publics des ménages devrait augmenter de 80 % à l'automne. Donc, c'est comme, imaginez si chez nous, au Québec, Hydro-Québec annonçait qu’à l'automne, pour des raisons de sources énergétiques ‒ nous, on a des barrages hydroélectriques ‒ si on produisait l'électricité avec du gaz naturel, si Hydro avait annoncé que la facture de tout le monde allait augmenter de 80 % à l'automne, probablement que vos habitudes de consommation auraient changé, probablement que votre confiance aurait baissé aussi.

Ashleay : Absolument. Alors, est-ce que tu peux nous expliquer où est-ce que ça devient compliqué? On a les banques centrales, on a les ménages. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus?

Sébastien : Oui, tout à fait. Ça devient très compliqué parce qu'un des morceaux dont on n'a pas discuté encore, c'est les marchés. Il ne faut pas oublier que quand un gouvernement emprunte de l'argent, si on veut faire des mesures pour stimuler l'économie, quand tantôt je vous parlais d’un projet d'une centaine de milliards de livres sterling et plus pour protéger les ménages contre la hausse des prix de l'énergie, bien cet argent-là, si on ne l'a pas, c'est-à-dire que les gouvernements doivent émettre des obligations d'épargne sur les marchés. Et ça, c'est des investisseurs qui détiennent ça. Puis les plus grands investisseurs détenteurs d'obligations gouvernementales, c'est les grands fonds de pension de la planète. Donc, c'est un peu là que ça devient compliqué. Parce que les taux d'intérêt, qui sont l'attrait pour cette dette-là, qui ont augmenté, ça veut dire que les gens sont un peu plus frileux. Les investisseurs, les fonds de pension sont un peu plus frileux à détenir de la dette du Royaume-Uni parce qu'on se dit OK avec ces mesures-là, probablement que l'économie s'en va en récession. Là, on parle d'emprunter plus d'argent sur les marchés. On a des doutes sur la capacité du gouvernement du Royaume-Uni de rembourser cette dette-là. Donc, on a moins d'intérêt pour ça. Ça fait que la valeur des obligations détenues par les fonds de pension va à la baisse. Et là, on a eu un paquet de problèmes qui sont apparus, qu'on a appris par après, qu'on a des banques, des fonds de pension britanniques qui ont tellement perdu de valeur sur leurs obligations, sur leur livre dans une courte période de temps, qu'ils ont eu des problèmes de liquidités. Donc, la Banque centrale a été obligée d'arriver puis de faire les pompiers. Donc, d'un côté, on resserre les taux, on resserre la politique monétaire, mais de l'autre côté, on injecte de l'argent pour éviter les pots cassés. Là, on se retrouve dans une espèce de no man's land où personne ne sait exactement où on s'en va. Puis ça a été critiqué par les investisseurs, par les marchés. Mais le Fonds monétaire international, qui en a encore rajouté en date même du 11 octobre au matin, publiait ses prévisions à la baisse pour l'économie mondiale pour 2023, mais critiquait encore le manque de prudence fiscale, surtout le plan original qui avait été annoncé par le gouvernement anglais, qui bénéficiait surtout aux riches celui-là. Ça a pris seulement quelques jours avant qu'on ait besoin de reculer, puis changer, puis moduler le plan. Donc, on se retrouvait un peu avec un gouvernement qui a eu l'air fou, avec des marchés qui n’étaient pas contents, et avec tous les économistes de la planète qui regardent la situation puis disent OK, si ça commence à être ce qu'on va voir dans plusieurs pays développés, eh bien, on s'en va où en 2023, 2024 et plus? Donc, un gros point d'interrogation, puis quand je disais au début que c'était un peu le laboratoire de la planète, eh bien, c'est tout un laboratoire qu'on a sous les yeux.

Ashleay : Et à ton avis, quelle force gagnera? Est-ce qu'on parle plutôt d'une politique monétaire ou fiscale?

Sébastien : Ce qu'on voit, c'est que la politique monétaire, c'est une force qui est très puissante. Donc, au début, quand on a eu l'annonce du gouvernement anglais de vouloir stimuler l'économie, on pensait faire du surplace. Mais on voit tous les impacts sur les marchés, les fonds de pension. N’oubliez pas que c'est la retraite de tout le monde qui est impactée par ça. Donc, les banques centrales ont été obligées d'intervenir. Le gouvernement, lui, par sa politique fiscale, a été obligé de reculer. Donc, on voit que la politique monétaire, c'est une force qui est difficile, qui est difficile à arrêter. Donc tout ça, c'est un théâtre assez important pour la réalité dans laquelle on est dans le moment, en 2022, 2023, 2024 aussi. Donc, la coordination entre les différents niveaux de gouvernement, on le voit, c'est tout à fait crucial.

Ashleay : Absolument. Et est-ce que ça peut nous affecter à court terme ici au Canada ou c'est plutôt un spectacle international, finalement, qu'on regarde?

Sébastien : Ce qui se passe en Europe, ça a des impacts de par le fait que quand on regarde l'économie mondiale, j'aime toujours la décrire comme un trépied, tu as l'économie américaine, tu as l'économie européenne et puis tu as la Chine. Puis, généralement, si au moins deux des trois pattes du trépied vont bien, l'économie mondiale va bien s'en tirer. Là, la Chine, on est encore avec le COVID zéro. En Europe, on est déjà en récession. Du côté américain, les risques de récession sont assez élevés. On les estime à environ 70 % d'ici la fin 2023. C'est assez élevé. Donc, oui, ça a un impact, mais surtout si ça peut avoir un impact pour donner une leçon au gouvernement du Canada, aux gouvernements des provinces, que quand on est dans une politique monétaire restrictive, d'essayer de faire l'inverse avec la politique fiscale, il n'y a personne qui gagne au bout du compte. Donc, leçon. Ça peut sembler évident, mais on dirait qu'il fallait passer par là pour se le rappeler en 2022.

Ashleay : Absolument. Merci beaucoup, Sébastien, pour toutes tes explications. Je pense que ça va être beaucoup plus clair et on va garder un œil là-dessus dans le futur. Vous avez aimé cet épisode et vous aimeriez en apprendre davantage sur l'actualité économique? Abonnez-vous à notre balado À vos intérêts, disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez aussi visiter la page Actualités économiques sur ia.ca et nous suivre sur les réseaux sociaux.

À propos

Sébastien possède près de 20 ans d’expérience dans les secteurs privé et public. En plus de son rôle de stratège en chef et d’économiste sénior, il est également gestionnaire de portefeuilles chez iA Gestion mondiale d’actifs et membre du comité d’allocation d’actifs de la société. Ces fonctions lui permettent d’exprimer sa passion pour les chiffres, les mots et la communication. Sébastien agit en tant que porte-parole de iA Groupe financier et conférencier invité sur les questions qui touchent l’économie et la finance. Avant de se joindre à iA en 2013, il a occupé divers postes dans le secteur de l’économie à l’Autorité des marchés financiers, chez Desjardins et au ministère des Finances du Québec. Sébastien est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie de l’Université Laval et détient le titre de CFA.

Sébastien Mc Mahon

Vice-président, allocation d'actifs, stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles

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