La communication inclusive | Bien plus qu’un outil de mobilisation

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5 min - Rédigé par Josée Plante
La communication inclusive est un marqueur clair des valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion. Notre experte explique pourquoi les organisations ont intérêt à la considérer et comment prendre le virage.

Publié le 25 août 2025

Vous rappelez-vous d’un moment de votre vie où on vous a fait sentir de trop ou à l’écart? Que ce « rejet » ait été réel ou non, il a probablement déclenché certaines émotions négatives chez vous.

Saviez-vous que, pour être bien, les gens doivent pouvoir avoir des interactions authentiques avec les autres et se sentir pleinement acceptés et inclus, c’est-à-dire sur le même pied d’égalité que tout le monde, malgré leurs particularités ou leurs différences? C’est un principe fondamental de l’inclusion appelé « sentiment d’appartenance ».

Dans la vie personnelle ou professionnelle, le sentiment d’appartenance, qui est à l’origine d’une sensation de plaisir et de bien-être, est un facteur de motivation essentiel. Et le langage contribue entre autres à établir des liens avec autrui et à créer ce sentiment d’appartenance.

L’emploi d’un langage inclusif diminue donc le risque de donner à une personne l’impression d’être exclue, et augmente ses chances de sentir qu’elle a sa place et qu’elle peut être elle-même dans un groupe ou une communauté.

La communication inclusive : c’est quoi?

La communication inclusive – orale ou écrite – est une façon de s’exprimer qui valorise la diversité et l’égalité, et lutte contre toute forme de discrimination. Communiquer de façon inclusive, c’est :

  • Prendre conscience du pouvoir et de l’effet des mots.
  • Reconnaître que le langage peut véhiculer ou même renforcer des stéréotypes.
  • Accepter de changer ses habitudes pour s’exprimer de façon plus neutre et non genrée.
  • Cesser d’appliquer la règle par défaut « le masculin l’emporte sur le féminin ».

Si vous avez déjà entendu parler de communication épicène, je précise qu’il s’agit d’un synonyme de la communication inclusive puisqu’elle implique de communiquer de la façon la plus neutre possible.

La communication inclusive contribue à ce que chaque personne puisse s’épanouir dans un milieu où la diversité est respectée et valorisée.

C’est un marqueur clair de la volonté d’équité et d’inclusion!

Je rappelle souvent que la communication devrait faire partie de l’ADN des organisations. Pourquoi? Parce qu’elles doivent toutes, un jour ou l’autre, communiquer avec leur personnel, leur clientèle, leurs partenaires, etc.

J’insiste aussi sur le fait que le langage peut constituer un instrument d’influence : exprimer la diversité et la rendre visible dans ses communications, c’est la reconnaître et la valoriser.

Pensez par exemple à l’incidence du manque de représentation des femmes dans certains domaines. Si vous voyez régulièrement « Nous cherchons un ingénieur », « Les policiers mènent l’enquête », « Les pompiers sont arrivés à temps », « Candidats recherchés », que vous le vouliez ou non, vous risquez fort de penser automatiquement à des hommes, et non à des policières, à des candidates, et encore moins à des personnes non binaires. La science démontre en effet que votre cerveau associera naturellement ces termes au genre masculin et exclura ainsi une partie de la population.

Le psycholinguiste Pascal Gygax a démontré, à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), que le masculin par défaut a une incidence sur le cerveau et la perception du monde1.

« Quand le cerveau voit ou entend le masculin, c’est le mot homme qu’il imagine ».

Pourquoi prendre le virage?

Les organisations qui offrent un environnement de travail inclusif permettant à chaque personne d’être elle-même sont plus sujettes à attirer et à retenir une force de travail diversifiée qui peut contribuer à son plein potentiel.

Pour ce qui est de la clientèle, des partenaires, ou même de l’entourage, leur perception des entreprises quant aux valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) est plus susceptible d’être positive lorsque l’environnement et les façons de faire sont plus inclusives.

Bien que le langage inclusif ne soit pas l’unique solution, et encore moins la panacée – par exemple, les promoteurs de régimes d’assurance collective peuvent le combiner à une offre de couvertures inclusives ou à d’autres mesures –, il y a plusieurs avantages à l’intégrer aux communications, et les organisations qui ont les valeurs EDI à cœur ont tout intérêt à l’envisager.

En 2019, 40 % des Canadiens ou Canadiennes auraient vu des effets positifs sur leur décision de travailler pour une entreprise ouverte à la diversité sexuelle si ces personnes avaient été de jeunes finissantes en recherche d’emploi2. Cette proportion était de 34 % en 2012.

Je rappelle que tous les milieux de travail sont concernés par cette réalité. Les entreprises qui se soucient d’offrir un environnement ouvert et accueillant pour tous les types de profils diminuent sans doute le risque de perdre des talents, des partenaires, ainsi que des clients et clientes de valeur, sans vraiment savoir pourquoi.

Comment passer à l’action?

Comment communiquer concrètement de façon plus inclusive sans se ronger les sangs et s’aliéner son public?

La littérature fournit plusieurs guides détaillés sur les différentes techniques disponibles, mais voici les principales et les plus efficaces :

  • Abandonner le masculin générique.
  • Privilégier les termes ou les formulations neutres/épicènes : responsables, gestionnaires, clientèle, personnel, organisation, population, etc.
  • Utiliser les doublets complets au besoin : les avocats et avocates.
  • Remplacer des noms genrés par « personne » : les personnes assurées au lieu de les assurés.
  • Utiliser les doublets abrégés avec parcimonie et en dernier recours : les étudiant(e)s.

Mes conseils

  1. Pensez et rédigez les textes de façon inclusive dès le départ au lieu de les modifier à l’étape de révision.
  2. Variez les techniques pour éviter les redondances et la monotonie.
  3. Ne perdez pas de vue le sens du texte, qui est essentiel.
  4. Visez la concision, la lisibilité et l’intelligibilité du texte.

Mythes

Il m’apparaît important de déboulonner certains mythes en matière de communication inclusive.

1. Les textes inclusifs sont plus longs, plus lourds et plus compliqués à lire

C’est une fausse croyance. En utilisant et en alternant bien les techniques de langage inclusif, les textes ne sont ni plus longs, ni plus compliqués. Ils sont même souvent plus courts et plus faciles à lire et à comprendre.

Exemple

Non inclusif : Vous avez gagné à la loto et êtes confronté à un dilemme? (57 caractères)

Inclusif : Vous avez gagné à la loto et avez un dilemme? (45 caractères)

2. La rédaction inclusive, c’est le point médian

Faux, c’est bien plus que cela (voir les techniques précédentes). Le point médian est d’ailleurs un procédé plutôt controversé que je recommande personnellement d’éviter pour favoriser une meilleure lisibilité. Il y a d’autres façons plus simples de rédiger de manière inclusive.

C’est quoi le point médian?

Les employé•es

L’avocat•e

3. La communication inclusive, c’est difficile

Comme pour tout nouvel apprentissage ou changement d’habitudes, les premières tentatives exigent un minimum de temps et d’efforts : il est normal de ne pas arriver à changer ses façons de faire en criant « ciseaux »!

J’encourage toutefois les gens à ne pas se laisser abattre puisque les nouveaux réflexes se développent très rapidement, et les techniques de langage inclusif deviennent des automatismes en un rien de temps.

J’en suis la preuve! Rédactrice professionnelle depuis plus de 30 ans au moment de me lancer dans la rédaction inclusive, j’étais persuadée que mes textes allaient devenir de réels cafouillis et me causer de sérieux maux de tête. Eh bien non… Au bout d’à peine quelques jours, la communication inclusive était devenue une seconde nature.

Par où commencer?

Ma recommandation : n’essayez pas de tout changer du jour au lendemain! Vous pouvez appliquer progressivement les principes de communication inclusive.

  1. Activez d’abord votre vigilance : prêtez attention à l’effet que peut avoir votre choix de mots ou de formulations.
  2. Intégrez ensuite les techniques de communication inclusive à vos communications écrites et orales.

4. Les textes doivent être parfaits

Non. La clé : ne pas se laisser envahir par la peur de commettre des erreurs ou de ne pas utiliser adéquatement les procédés. Il est normal de se tromper et c’est généralement bien accepté.

Aux personnes qui craignent de ne pas écrire de la bonne façon ou de se faire juger, je dis simplement : le progrès avant la perfection! Il y a un début à tout et le public cible appréciera les efforts, sans compter qu’il ne remarquera peut-être même pas les petits accrocs.

Et à l’oral?

Évitez de prononcer, en la détachant, la finale de la forme féminine. Par exemple : le e d’employée.

Dites une seule des deux formes lorsque la prononciation au masculin et au féminin est identique. Par exemple : chers employés et non chers employés et chères employées.

Utilisez les autres techniques de langage inclusif dans les autres cas : mots épicènes, doublets, reformulations, etc.

5. Tout le monde comprend que le masculin générique désigne autant un homme, une femme ou une personne non binaire

Erreur. Des recherches1 (détails dans cette vidéo) ont démontré que la masculinisation de la langue influe sur la perception de soi et du monde. Le masculin générique renforce et perpétue donc la hiérarchie des genres, ce qui va à l’encontre du principe d’égalité.

Et alors?

En résumé, la communication inclusive vise à être représentative de la population en faisant état de la diversité des réalités. Pour être accessible au plus grand nombre, elle se veut donc non sexiste, non discriminatoire, non raciste, non hétéronormative, etc.

Elle peut sans doute constituer un mandat ambitieux qui exige une transition progressive et des efforts conscients mais, comme elle comporte de nombreux avantages, l’investissement peut en valoir la peine pour plusieurs organisations.

La communication inclusive :

  • Se positionne : en faveur de l’égalité et de la diversité.
  • A du style : inclusivité et style font bon ménage, il suffit de trouver le bon équilibre.
  • Est agente de transformation : notamment par son abandon du masculin générique.
  • Est agente de mobilisation : elle embrasse la diversité et la rend visible.
  • Est actuelle : elle témoigne de modernité et dynamise les communications.

L’avez-vous remarqué?

Cet article est totalement inclusif.

L’avez-vous trouvé plus difficile à lire ou plus compliqué à comprendre? Je parie que non.



1Sources :

2 Rapport de recherche Fondation Émergence/Leger marketing : Lutte contre l’homophobie et la transphobie, projet no 12717-022
3 Sondage d’opinion « La diversité sexuelle au travail, ça rapporte », Fondation Émergence/Leger marketing, dossier no 12717-015